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12 octobre 2015 1 12 /10 /octobre /2015 22:51
Alternatiba... une alternative ?


« Changer le système pas le climat », telle est la devise affichée des altermondialistes et autres alternatifs depuis le sommet de Copenhague en 2009. L'idée est depuis reprise et répandue, notamment par un collectif né au Pays Basque, Alternatiba, avec la volonté de promouvoir les alternatives locales et multiples, à la surconsommation énergétique, qui existent déjà dans la société.

Vouloir changer le système, une telle volonté ne peut qu'attirer le regard bienveillant des militants et militantes anarchistes, déjà engagés dans les combats contre l'exploitation et l'oppression, pour l'émancipation... et qui, comme toutes et tous les militants vraiment intéressés à la transformation du monde vers la justice sociale « et climatique », s'interrogent sur les modes d'actions et de réflexions les plus à même d'aller dans ce sens.

Mais dont l'activité militante consiste tout autant à dénoncer les voies de garage ; celles éculées qui ont fait les preuves de leurs échecs et même de leurs effets contre-productifs : la prière et l'électoralisme par exemple, et d'autres fausses routes : le souverainisme ou le complotisme... Non par pureté ou par snobisme mais pour ne pas renforcer les chaînes qui nous entravent. Voyons aujourd'hui s'il est opportun de s'impliquer ou non dans les initiatives
Alternatiba.

Le projet Alternatiba consiste à présenter les différentes alternatives locales actuellement en cours tant au niveau de l'habitat, de l'énergie, du transport, de l'alimentation, du traitement des déchets... etc. Et à montrer ces initiatives en actes aux dirigeants de la planète - politiques et économiques - qui vont négocier la Cop 21 - dit "sommet climat" - en décembre 2015 pour qu'ils s'en inspirent et fassent les bons choix...

Pour ce faire, Alternatiba repose sur une double initiative : un tour de France (et de pays limitrophes) a eu lieu en vélo (tandems) de juin à septembre avec 187 étapes. Chaque étape était prise en charge par un groupe local, pour faire connaître et fédérer les initiatives écologiques et sociales liées à un territoire. Des conférences autour des différents enjeux liés au climat étaient organisées. Et de ce point de vue, on peut dire que c'est une réussite. Des actrices et acteurs locaux, ont ainsi pu se rencontrer ou mieux se connaître et présenter leurs actions au public. Tout affichage politique partisan était banni. A Paris, l'étape finale du tour aura réuni 20 000 personnes le 26 septembre.

La deuxième initiative, dans le prolongement de la première, est la création durant une journée entière d'un village des alternatives "de transition écologique et de solidarité" dans différentes localités pour enfoncer le clou et montrer sur un temps plus long les groupes acteurs sur un territoire. Une préconisation est de mise : délivrer des « messages positifs ». Le partenariat avec les mairies locales est recherché pour des raisons logistiques, en principe sans contrepartie.

Autour de Nantes, il y a eu un double couac. En 2014, lors d'un précédent passage d'Alternatiba, le partenariat avec la mairie de Nantes avait conduit à ... l'éviction de l'ACIPA
https://www.acipa-ndl.fr/ (principale organisation et la plus ancienne d'opposants au projet d'aéroport de Notre dame des landes) avec "en compensation" négociée la présence du Cédpa (collectif des élus doutant de la pertinence du projet d'aéroport) et du copain 44 (collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d’aéroport)... Soit ! Mais en septembre 2015, c'est Nantes métropole qui avait un stand. Nantes métropole ? ... qui soutient le projet d'aéroport ! (cf. infos et analyse du collectif nantais contre l'aéroport : http://nantesnecropole.noblogs.org/post/2015/09/20/un-dimanche-a-alternatiba/)

Outre ces dérapages (incontrôlés ?), le bât blesse par bien des manières :

- L'objectif : s'adresser aux dirigeants pour les sensibiliser aux alternatives ? Mais ils les connaissent déjà ! La société du renseignement est très efficace. Malgré les grands mots dont ils se parent, ils font des choix contraires, car c'est la logique du profit, de concentration et d'accumulation du capital qui prime. Le système capitaliste dont les gouvernants sont à la fois complices et otages est ainsi fait. Ils sont le problème pas la solution ni même son relais. Une alternative n'a de sens, si on veut « changer le système », que de les faire disparaître. Qu'ils s'en aillent tous ! Nos alternatives ont vocation à les remplacer et à se débarrasser de la société de classes et de son système hiérarchique. Et à quoi bon fonctionner en démocratie directe dans les collectifs locaux si c'est ensuite pour porter un message à des gens qui la renient et ne fonctionnent pas ainsi, mais comme classe dominante et dirigeante, nous écrasant... et nous méprisant ?

- Ainsi, le site Alternatiba préconise par exemple la reprise des entreprises en faillite sous forme de coopératives. Pourquoi seulement celles en faillite ? Pour arriver à la "responsabilité sociale et écologique" recherchée, ce sont toutes les entreprises et tous les services publics qu'il faut reprendre et exproprier leurs actuels propriétaires, privés ou d’État. Reconvertir ou, si ce n'est pas possible, démanteler les entreprises nuisibles. Avec une attention particulière pour le nucléaire : arrêt immédiat tant celui militaire que civil. Outre l'accumulation déjà massive de déchets radioactifs, les trois quarts des réacteurs du parc français atteignent la durée pour laquelle ils ont été conçus (30 ans), augmentant leur dangerosité et le risque de catastrophes. Qui ne dit pas "socialisation des moyens de production" ne dit rien qui puisse changer... Car c'est seulement si les travailleurs sont maîtres des entreprises et fonctionnent en autogestion que les questions sociales et écologiques pourront être abordées de manière correcte. Si tant est que nous sortions de l'esprit productiviste / consumériste... ce qui paraît évident, car c'est un moyen de réduire la quantité de travail à fournir !

A la décharge d'Alternatiba ce ne sont que des pistes qui sont émises, car le groupe se défend d'être une organisation politique avec un projet de société. Les participants, dont la sincérité ne peut être mise en doute pour la plupart, peuvent être sensibles à l'idée révolutionnaire mais il demeure frappant que celle-ci brille... par son absence ! Ce qui est fréquent dans les milieux alternatifs...


- De fait, Alternatiba peut aujourd'hui fonctionner avec des entreprises capitalistes dès lors qu'elles interviennent sur le champ écologique. L'esprit de compétition et donc l'élimination des plus faibles (y compris par des coups bas) n'est pas (pas suffisamment en tout cas) remis en cause. Si on estime que c'est l'entraide qui fait avancer les choses, pourquoi accepter la (fausse) concurrence capitaliste ?

- Avec l'accent mis sur le discours positif, on ne parle plus des luttes. Or la critique et l'action contre ce monde nous font avancer. Et quand quelque chose est néfaste, il est juste de s'y opposer quand bien même on n'a pas d'alternative à proposer ! Il est par exemple fondé de refuser le projet Center Parcs du groupe capitaliste Pierre et vacances à Roybon, dans l'Isère, qui prévoit un centre aqualudique (sorte de serre chauffée gigantesque dont l'eau serait maintenue à 29°c en permanence... été comme hiver !). C'est une pure sottise à stopper, point ! Infos :
https://zadroybon.wordpress.com/le-projet/

- Dans la même veine, sans doute parce que cette dimension échappe aux alternatives locales, il manque cruellement la dénonciation du complexe militaro-industriel. Or, entre autres problèmes, celui-ci est grand dévoreur d'énergie : aux USA on estime qu'il en consomme plus que l'ensemble du secteur des transports ! Il est un révélateur des intérêts entremêlés entre États et groupes capitalistes... La démilitarisation et l'arrêt du commerce des armes, tant pour des raisons écologiques et de justice sociale, devraient être une revendication prioritaire.

En revanche, s'il y a bien un aspect où Alternatiba se montre audacieux, osons le mot : révolutionnaire (enfin !) à nos yeux, c'est en présentant le véganisme (sans dire pour autant que c'est son choix) dans les alternatives. Rappelons que l'idée végane est de refuser tous les produits issus de l'exploitation et/ou de la mise à mort d'animaux (pour la nourriture, l'expérimentation scientifique, l'habillement, les loisirs...), et donc de construire une société permettant à cette éthique d'être appliquée, comme on a aboli l'esclavage (même si des situations pouvant y être assimilées existent encore trop aujourd'hui). La production de nourriture végétale destinée directement aux humains a en effet un bien plus faible coût écologique (tant en prélèvement de ressources qu'en pollutions générées) et permet de nourrir bien plus de monde. La recherche d'autonomie alimentaire intégrerait ainsi le refus d'élever des animaux pour ensuite les tuer car il est injuste pour ces êtres doués de facultés diverses de subir un tel joug, tout comme il est injuste de nourrir des animaux d'élevage avec des céréales alors que des humains n'ont pas assez de nourriture. Cette position peut être lue comme un refus d'user d'un pouvoir sur autrui, y compris quand cet autrui est plus faible ou moins bien organisé. Et, pour nous, refuser un pouvoir n'a de sens que si on refuse tous les pouvoirs ! Même si elle n'est pas partagée par tout le mouvement vegan, ce nous semble une démarche intéressante d'un point de vue anarchiste. (1)

Autant dans la forme, l'initiative Alternatiba est louable, notamment en mettant en connexion des militants locaux, autant dans les objectifs elle est au mieux naïve, signe d'une incompréhension ou d'une sous estimation de ce qu'est une société capitaliste, prédatrice par nature (et on ne demande pas à un prédateur de devenir végétarien). Bien plus grave en revanche, en nous faisant nous adresser aux actuels dirigeants, elle réenchaîne les alternatives au système qui nous asservit. A la marge, certaines alternatives, si elles sont sources de profit, pourront être reprises, intégrées et vidées de leur substance subversive, mais le fond de la société ne sera pas changé, tout juste aménagé. La question primordiale du pouvoir (comment se prennent les décisions et se répartissent les tâches ? Hiérarchie ou autogestion ?) n'est pas posée. C'est une faille mortelle.

S'il n'y a pas suppression du capitalisme et des États (tant en valeurs - esprit de domination et de compétition - qu'en tant qu'organisation - structures hiérarchisées -), il n'y a pas de changement de système. L'énergie dépensée par les Alternatiba nous mène dans une impasse en s'arrêtant en chemin : soit les alternatives ont vocation à se substituer au système, en se débarrassant des gouvernants politiques et économiques... soit elles ne sont pas des alternatives. Aussi, en parallèle à ces expérimentations sociales et écologiques, dans lesquelles nous nous impliquons, des réflexions et des luttes sont encore à mener. Nous soutenons par exemple les convois qui partent des zad, des territoires en lutte et qui convergent sur Paris fin novembre ainsi que le projet d'automedia contre la Cop 21.

L'autogestion généralisée : un beau chantier !

 

(1) Seule une fraction du mouvement anarchiste se reconnaît dans le véganisme...


Pour aller plus loin :


- Sur la nécessité de l'arrêt immédiat du nucléaire : Dans quelles alternatives le risque nucléaire est il soluble ? https://paris-luttes.info/dans-quelles-alternatives-le-3810


- Appel des zad pour des convois jusque Paris du 21 au 28 novembre : http://zad.nadir.org/spip.php?article3187


- Projet d'automédia contre la Cop 21 : https://paris-luttes.info/cop-21-contribuez-a-la-team-3843





 

par anars56

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