Extrait du Canard enchaîné du 4 novembre 2015
Azote alors !
" CHERS collègues agricultrices et agriculteurs. Nous vous proposons aujourd'hui d'envoyer un signal fort et de ne pas remplir la déclaration de flux d'azote 2014 - 2015. "
La missive a été adressée à toutes les exploitations agricoles de Bretagne. Cet appel à violer la réglementation, en l’occurrence un arrêté préfectoral qui vise à protéger les nappes phréatiques contre les nitrates, est signé par les présidents des quatre chambres d'agriculture bretonnes.
Que demande-t-on aux agriculteurs de si insupportable ? Simplement de comptabiliser la quantité de fertilisants, engrais et lisier entrant et sortant de leur ferme, afin de mesurer le degré d'imbibition en azote du sol breton, et de tenter d'améliorer la qualité de l'eau au sortir du robinet.
Rappelons qu'avec plus de 7 millions de cochons la flotte bretonne bat des records en taux de nitrate, et que cette pollution continue de s'aggraver à tel point que la France se fait régulièrement taper sur les doigts par Bruxelles. C'est d'ailleurs cette fameuse déclaration obligatoire de flux d'azote que notre ministère de l'Agriculture a mise en avant dans ses négociations avec l'Union européenne pour échapper à une nouvelle condamnation. Une mesure imposée il y a deux ans aux agriculteurs bretons, en contrepartie de reculades au détriment de l'environnement : la suppression des ZES, les zones excédentaires en lisier, dans lesquelles l'extension des gros élevages était interdite et l’épandage du lisier sévèrement plafonné.
Pour justifier leur phobie administrative, les patrons des chambres d'agriculture bretonnes ressortent l'argument habituel selon lequel les normes environnementales nuiraient à la rentabilité et entraîneraient pour la Bretagne " une perte nette de plus de 100 millions d'euros ". Un chiffre sorti du chapeau rond, jamais validé par le moindre expert. Les auteurs de l'appel à la jacquerie n'oublient pas de rappeler la sortie de Manuel Valls, qui avait déclaré, en septembre, histoire de faire retomber la pression après la grande manif des éleveurs : " L'urgence, c'est aussi la simplification des normes ". En s'asseyant sur la loi, les barons de l'agriculture bretonne ont tout bonnement pris au mot le Premier ministre. Avec d'autant moins de complexes que l'un des signataires, le président de la chambre d'agriculture des Côtes d'Armor, Olivier Allain, figure en 4ème position sur la liste de notre ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui mènera la campagne des régionales en Bretagne.
Nitrates, ni trop peu !