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blog - Vannes & alentours

PETIT HISTORIQUE DE LA LUTTE ANTI NUCLEAIRE A ERDEVEN (1975)

Vous trouverez ci-dessous DEUX historiques de la lutte antinucléaire à Erdeven en 1975.

Le premier est tiré du Réseau Sortir du Nucléaire.

Le second, plus personnel, plus critique aussi, émane de Roger et Bella BELBEOCH, scientifiques militant au Comité Stop Nogent-sur-Seine. 

 

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TEXTE 1 : http://www.sortirdunucleaire.org/agir/actions/erdeven20050409/HistoireCRIN1.doc

PETIT HISTORIQUE DE LA LUTTE ANTI‑NUCLEAIRE A ERDEVEN EN BRETAGNE (MORBIHAN)

 

QUI DIT HISTORIQUE DE LA LUTTE A ERDEVEN DIT HISTORIQUE DU CRIN (Comité Régional d'Information Nucléaire) ET AUSSI HISTORIQUE DE LA POPULATION D'ERDEVEN.

 

En effet le CRIN est à l'origine de la lutte anti‑nucléaire en Bretagne mais comme il est issu de la population, qu'il a travaillé avec elle, évolué avec elle et gagné une bataille avec elle, on ne les dissociera pas. Car c'est là que réside toute la dynamique et l'impact de la lutte en Bretagne : une participation massive, active et constante de tous à l'activité d'un groupe pour informer d'abord la population des dangers du nucléaire, pour la défendre ensuite contre l'arbitraire d'une décision contraire à sa volonté.

 

Mais pourquoi cette réaction énergique et inattendue des gens d'Erdeven ? Sept ou huit centrales fonctionnent en France ou fonctionneront d'ici 1980. Mais construites dans l'indifférence générale, au mépris des plus légitimes inquiétudes des plus concernés, ne provoquant qu'une contestation très localisée, très écologique, leur implantation n'avait troublé ni les foules, ni les milieux scientifiques, encore moins les responsables politiques.

 

Que s'est-il passé à Erdeven où tout se serait passé comme ailleurs : population à peine informée, séduite par la patente, enquête d'utilité publique escamotée, décision municipale prise en un mois sans aucune information scientifique pour les élus.

 

Il faut noter tout de suite que sur le plan national dans les milieux scientifiques informés, l'annonce du programme nucléaire Messmer (200 tranches de 1000 MW d'ici l’an 2000 et le choix de la filière américaine Westinghouse au dépens de la filière française) faisait hurler. Mais ces hurlements étaient ouatés par le grand tapage gouvernemental du chantage à la crise énergétique (pétrole) et les belles affirmations de renforcement de sécurité, etc... ce qui rendait la contestation écologique inacceptable car anti‑scientiste, passéiste, voire mystique (l’Apocalypse Nucléaire).

 

Ceci ne touchait pas la commune d'Erdeven et ses environs :

Région à la foi rurale, maritime, ostréicole et touristique, il n’y a pas ici de pollution. Une plage superbe et déserte (protégée par une servitude militaire) accueille des milliers de touristes et de gens du pays. C’est le site choisi par EDF. La population très peu politisée y est très attachée à son sol, à la mer, à l’environnement intact, à la nature qui est pour elle sa ressource essentielle d'existence. Pas de réflexe écologique intellectuel. La NATURE ici C'EST LA VIE !

 

Dès l'annonce de la centrale d'Erdeven - Novembre 74 -, une poignée de personnes de la population d'Erdeven, d'Etel le port voisin, de Belz, créent le CRIN dont le but est d'informer sur les dangers du nucléaire. C'est une association "indépendante de tout parti politique" qui va, dans un électorat traditionnellement de droite, provoquer des remises en question fondamentales.

L'efficacité de l'information du CRIN est due à des impératifs de lutte qui ont été très vite bien compris par les membres du CRIN : Il s'agissait pour des gens simples, s'adressant à des gens simples, de diffuser une information pourtant complexe, très vite, complètement, dans un esprit ouvert et au plus grand nombre.

 

Cela a fortement motivé les gens du CRIN et leur a fait trouver un style de réunion, de contacts, de diffusion, de rapports humains et sociaux, nouveaux…

 

 

FEVRIER 75

Sur les 10 communes (favorables), 10 votent NON A LA CENTRALE, poussées par la pression populaire.

 

PAQUES 75

Une grande fête anti-nucléaire a lieu à ERDEVEN sur le site de la centrale. 15 000 personnes y participent. C’est un événement en BRETAGNE dont la presse régionale et nationale s’emparent avec étonnement.

A partir de ce moment, la concertation et la prise de conscience anti-nucléaire prend des proportions dépassant le cadre breton. Les élus locaux des autres sites bretons et vendéens sont contraints de refuser la centrale. Les élus régionaux prennent des positions ambiguës : OUI… MAIS.

Les milieux scientifiques s’émeuvent, l’opinion s’interroge, les syndicats et les partis politiques prennent position (les Fédérations Régionales du PS et du PC s’opposent au projet), les milieux EDF et gouvernementaux fulminent mais n’osent pas intervenir, un préfet est déplacé, le conseiller général et régional de la région d’Erdeven se couvre de ridicule. Les scientifiques, poussés par la contestation populaire d’Erdeven et d’ailleurs, signent l’appel des 400, font à Jussieu (Fac des Sciences) conférences et colloques, participent à des réunions d’information réunissant un vaste public populaire. Le Gouvernement réduit son programme nucléaire tandis qu’à l’intérieur de l’EDF des remous provoquent chez certains experts des prises de position critiquant la politique énergétique française.

Le CRIN quant à lui, poursuit son action d’information sous une forme nouvelle : réunions publiques moins nombreuses mais création d’un journal « A Tous Crins » où s’expriment tous ceux qu’intéressent les problèmes nucléaires et politiques qui en découlent, ouverture d’une permanence, lieu de rencontres et de réunions plus restreintes où des recherches dans les domaines économiques, énergie douces, etc… sont abordées.

 

AOUT 75

Une deuxième fête d’Erdeven a lieu (5000 personnes y participent avec enthousiasme : touristes, campeurs, jeunes, gens du pays,…)

 

SEPTEMBRE 75

Le Conseil Régional de Bretagne adopte par 52 voix contre 1 le projet d’une centrale nucléaire en Bretagne. C’est une décision politique aberrante car les dangers nucléaires leurs ont été exposés par une commission d’enquête et un document officiel ne leur a pas caché que les possibilités de relance économique sont des plus minces.

Le jour même, le 26 septembre, 14 des 30 syndicats, partis, associations, comités de défense, etc… et les comités locaux du CRIN réaffirment au cours d’une conférence de presse leur opposition à une centrale bretonne. L’indignation devant la décision arbitraire du Conseil Régional est ressentie profondément.

 

NOVEMBRE 75

Un bruit circule : un article de « Ouest-France » le confirme : « ERDEVEN EST DEFINITIVEMENT ABANDONNE PAR EDF » malgré les avantages du site. Motif : la contestation de la population y est trop forte.

C’est dans le Finistère, à Porsmoguer qu’EDF porte son choix. Mais à Porsmoguer, un CLIN existe, informe, mobilise la population.

Tous les CRINs de Bretagne, réunis en Fédération se réuniront le 5 décembre à Porsmoguer pour définir une forme de lutte commune afin de débarrasser définitivement la Bretagne de ce type d’industrie polluante et néfaste sur tous les plans.

 

La lutte anti-nucléaire du CRIN a fait parallèlement apparaître chez un nombre toujours plus grand de gens qu’inquiète l’incapacité du système à sortir de la crise, un désir profond d’avoir une action plus efficace, plus intelligente, plus écologique sur la gestion du pays dans lequel ils vivent et veulent continuer de vivre.

 

 

COMITE REGIONAL D’INFORMATION NUCLEAIRE

 
Permanence : 43 rue du Gal Leclerc

             BP 5

ETEL 56410 (France)

 

 Téléphone : 52.32.98

 

 

Copie d’un document d’information du CRIN

 

                                                                                   

 

 

Extrait du n° 0 de “A Tous Crins” :

 

Municipalités qui ont pris position :

Belz :                9 Non,                          11 nuls

Locoal-Mendon :                       13 Non,                2 nuls

Landévant :       11 Non,                        4 nuls

Sainte-Hélène :   11 Non,             2 Oui

Plouhinec :        Non à l’unanimité

Gâvres :            Non à l’unanimité

Etel :                 11 Non,             2 Oui,             5 abstentions

Quiberon :         13 Non,                                   4 abstentions

Erdeven :           14 Non,                        3 nuls

 

Ci-dessous, photo de la commémoration en 2005 des 30 ans de la lutte à Erdeven devant "la main verte" érigée à l'époque

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 TEXTE 2 : 

Erdeven : une lutte exemplaire contre l'électronucléaire

Dimanche 11 Mars 2007. Extrait du site internet A-infos, http://www.ainfos.ca/07/mar/ainfos00206.html

texte lui-même repris de  La lettre d’information du Comité Stop Nogent-sur-Seine n° 111/112 juin-septembre 2006 http://www.dissident-media.org/stop_nogent/lettre_111_112.pdf


En 1974 le ministre d’Ornano publie un rapport dans lequel figure une liste de sites possibles de centrales nucléaires. Le gouvernement nucléocrate s’appuyait sur la crise pétrolière de 1973 pour accélérer la nucléarisation de l’électricité en France
(http://www.dissident-media.org/infonucleaire/electronuc_france.html) prévue depuis longtemps par le comité PEON (production d’électricité d’origine nucléaire) créé en 1950.

A Erdeven, petite localité au sud de Lorient, des habitants découvrent qu’on veut leur flanquer une centrale nucléaire. Il y a eu une réaction spontanée de la quasi totalité des habitants (mis à part le pharmacien qui a eu droit à l’inscription « collabo » sur sa vitrine).

A l’origine, quelques habitants décident de se rencontrer un soir dans le café du coin. Le bouche à oreille ayant joué l’afflux est tel que c’est une véritable
réunion publique qui doit se tenir dans un lieu plus approprié. Ce qui est intéressant dans la réaction des habitants d’Erdeven et des alentours c’est qu’il ne s’agissait pas seulement d’un refus d’un réacteur chez eux mais d’un refus de l’énergie nucléaire. Les réactions publiques de 1974 firent reculer le gouvernement et Erdeven fut supprimé des sites nucléaires. En mars 1975 une manifestation contre le nucléaire fut symbolisée sur la plage d’Erdeven par
l’inauguration d’une statue, une main ouverte exprimant le refus, portant sur l’énorme souche servant de socle « NON AU NUCLEAIRE » « NON aux CENTRALES
NUCLEAIRES 30 mars 1975 ».

 
Cette réaction unanime des habitants d’Erdeven et des localités voisines (Belz, Guidel ?) n’a guère eu de conséquences dans la ville de Lorient, pourtant proche,
et en particulier chez les politiciens lorientais.

Quand nous avons débarqué à Erdeven à quelques membres du GIT (Groupe Information Travail - Saclay) accompagnés de Roger nous avons été surpris. Dans la petite épicerie une affichette manuscrite disait « Mieux vaut les fesses à l’air qu’une centrale nucléaire » (l’année précédente un club nudiste s’était installé sur la plage, ce qui avait fait scandale). Au-dessus des pommes de terre trônait notre best-seller de février 75 sur « La sécurité du travail au Centre d’Etudes Nucléaires de Saclay » qui dénonçait
les entorses à la radioprotection ! « Dans le cadre du « tout électrique, tout nucléaire », il nous paraît important de montrer que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, même dans un Centre
d’Etudes Nucléaires comme Saclay. Que dire alors des centres de production, La Hague et Marcoule, ou ceux de l’industrie privée comme Malvési, et des mines d’uranium comme celle de La Crouzille ».

Nous avons eu une réunion en petit comité avec des antinucléaires d’Erdeven. Nous avons appris que leur tentative de rallier les habitants de Plogoff à une action
plus globale contre le nucléaire, Plogoff étant aussi sur la liste des sites, avait échoué car à Plogoff ils avaient confiance en Giscard d’Estaing qui avait promis que les centrales ne seraient implantées qu’avec l’accord de la population. Ils ont su plus tard combien ils avaient été naïfs et la lutte des habitants de Plogoff a inauguré la guérilla antinucléaire. Mais avec le recul on voit que c’était uniquement contre la centrale de Plogoff, ce n’était pas un « NON au centrales nucléaires » en général.

Les militants d’Erdeven étaient pacifistes et chagrinés de voir que les marins-pêcheurs n’assistaient pas aux réunions. Eux, ils avaient acheté des cartouches. La venue du général La Bollardière, apôtre de la non-violence, les avaient laissés indifférents.

Nous avons eu un échange extrêmement intéressant  "Comment, vous êtes antinucléaires et vous travaillez au CEA " Nous étions 5 et tous nous étions impliqués dans la recherche fondamentale sur des sujets n’ayant rien à voir, même de loin, avec le nucléaire. Bien sûr on s’était déjà posé la question : « Pourquoi le CEA nous paie-t-il ? »  et cela a alimenté nos réflexions sur le rôle d’alibi de la recherche. Mais à notre question « Et vous qu’est-ce que vous faites ? » on a appris qu’il y avait parmi nous un publiciste (est-ce important pour la vie que nous aimerions vivre ?), un marchand de biens immobiliers
(idem), un paysan (et les nitrates tu en fais quoi ?). Ainsi le débat a porté, non pas sur la gestion des moyens de production, le préalable des marxistes de toutes tendances, mais sur « qu’est-ce qu’on devrait produire pour que la vie soit vivable ». Ce débat a toujours été escamoté et est toujours d’une brûlante actualité.

Nous avons été très étonnés des connaissances pointues des antinucléaires que nous avons rencontrés. Ce qui est important c’est que la réaction à Erdeven a été spontanée et que les gens se sont renseignés rapidement sur les dangers du nucléaire et cela sans l’intervention de scientifiques, experts ou contre experts.
http://www.dissident-media.org/stop_nogent/101_102_contre_exp.html

Roger et Bella Belbeoch,
Extrait de la lettre d’information du Comité Stop Nogent-sur-Seine n° 111/112,
juin-septembre 2006,
http://www.dissident-media.org/stop_nogent/lettre_111_112.pdf

Les lettres d’information sont disponibles en PDF sur le site du comité :
http://www.dissident-media.org/stop_nogent


 

Un intéressant texte bilan critique de Roger BELBEOCH sur le mouvement antinucléaire français, intitulé "Le mouvement antinucléaire en France a totalement échoué", peut être consulté ici : http://www.ainfos.ca/fr/ainfos08039.html

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