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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 12:48

En prélude à notre soirée de jeudi 18 juin, à Vannes, sur  "les femmes opposées à la guerre en 1914 - 1918", animée par Didier Giraud, voici un texte intéressant repris au blog Entre les lignes, entre les mots.

 

Affinité socialement construite entre masculinité et militarisme

9782843032523Dans sa préface Arielle Denis revient sur les racines des guerres et du militarisme. Elle indique « A ces causes, Cynthia Cockburn propose d’ajouter la dimension de genre. Sa démonstration est particulièrement limpide et a enthousiasmé la militante pacifiste que je suis. J’ai pris un immense plaisir à découvrir ses analyses, à reconnaître mes propres questions et les débats que nous avons eus entre femmes ou avec nos camarades masculins », et parle de la logique violente enraciné dans le patriarcat, de la place des femmes dans les organisations pacifistes, de la syndicaliste Hélène Brion, d’Andrée Michel, de mille visages « Femmes en noir palestiniennes et israéliennes, amies de Belgrade et de Sarajevo, courageuses militantes d’Irak, sœurs d’Algérie, combattantes de la non-violence de Colombie, ou enfants-soldates rescapées des guerre d’Afrique ». Elle ajoute, entre autres, « Dans les guerres d’aujourd’hui, les civils représentent 80% des victimes, et le viol est une arme de guerre généralisée. On viole pour anéantir un peuple au travers du corps des femmes, doublement dépossédées d’elles-mêmes et souvent condamnées ensuite à la répudiation » (Lire sur ce sujet : Sandrine Ricci : Avant de tuer les femmes, vous devez les violer ! Rwanda : rapports de sexe et génocide des Tutsi : lennemi-femme-apparait-toujours-different-de-lennemi-tout-court/)

 

Dans son introduction, Cynthia Cockburn parle des activités des femmes qui ne sont « en rien spécifique à chacune de nous », de point de vue situé (standpoint), du collectif « Femmes contre la guerre du Golfe » devenu « Femmes contre les crimes de guerre » puis « Femmes en Noir contre la guerre », des expériences d’un « patriarcat militarisé », d’analyse féministe singulière et précieuse, d’affinité entre la masculinité et la violence.

 

L’auteure indique à propos des articles composant ce livre : « J’en ai choisi un qui revient sur l’histoire de l’antimilitarisme féministe en Grande-Bretagne, un qui étudie de près un groupe féministe antimilitariste – en particulier en Serbie -, et un qui propose une théorie féministe de la guerre »

 

Dans le premier chapitre « Trouver une voix : les femmes dans l’histoire du militantisme pacifiste en Grande-Bretagne », Cynthia Cockburn parle du réaménagement de la domination des hommes sur les femmes, (voir le livre de Carole Pateman, cité par l’auteure : Le contrat sexuel, le-contrat-sexuel-est-une-dimension-refoulee-de-la-theorie-du-contrat/), de la restructuration de la famille, du recul des droits des femmes au XVIIIème siècle, de l’interdiction des clubs féminins, de conscription et d’engagement de force, des « hommes-citoyens-soldats », de la réduction drastique « des marges de manœuvres » des femmes et des filles (voir le livre de Leonore Davidoff et Catherine Hall, cité par l’auteure : Family Fortunes. Hommes et femmes de la bourgeoisie anglaise 1780-1850, sur-la-grande-scene-de-la-classe-et-du-genre/)…

 

L’auteure souligne les impacts du nationalisme militant et de l’impérialisme économique, des guerres d’autodétermination nationale au sein des empires, de la guerre de Sécession aux Etats-Unis, des incursions de l’Empire Britannique au Proche et Moyen Orient et la faiblesse du mouvement pacifiste…

 

J’ai notamment été intéressé par les analyses de « La Grande Guerre », la centralité de la masculinité dans la définition de la nation, « la masculinité normative dans la propagande nationaliste », les débats dans le mouvement suffragiste, les mobilisations de femmes, le Congrès international des femmes à La Haye, l’engagement des femmes pour la paix…

 

Cynthia Cockburn souligne la volonté des Etats de rétablir la normalité en matière de genre « Seules des femmes redomestiquées seraient effectivement en mesure de repeupler des sociétés que les tueries avaient rendues exsangues ». L’après guerre fut bien un ordre nouveau « dans la mesure où les idées de masculinité d’une part, de nation et de citoyenneté d’autre part, étaient et sont inextricables »

 

Seconde guerre mondiale, armes nucléaires, « le massacre instantané et arbitraire de plus de cent mille civils japonais par les Alliés ». L’auteure parle d’internationalisme, de combats antinucléaires, de combats pour la paix, d’actions directes et de non-mixité, du Campement des femmes pour la paix de Greenham Commun et de ses particularités, « pour saper les rapports de domination liés au genre, le meilleur moyen est que les femmes s’organisent seules et de façon autonome ».

 

L’article se termine sur « Vers une analyse holistique de la guerre ». L’auteure y note, entre autres, la rareté des hommes « à reconnaître l’oppression subie par les femmes, à changer leurs propres pratiques en fonction de cela, à laisser une place aux féministes dans les instances dirigeantes, à soutenir la libération des femmes et à poursuivre cet objectif au même titre que les autres but de l’organisation », constat restant valable pour toutes les organisations mixtes… Elle parle de double militantisme « à la fois avec les hommes et contre eux », des liens entre féminisme et socialisme, de l’importance de la non-mixité, du féminisme, « Car oui, les femmes qui s’organisent dans des groupes anti-guerre non mixtes mettent assurément en avant l’idée, issue de la théorisation féministe du pouvoir patriarcal, qu’il y a une affinité socialement construite entre la masculinité et le militarisme ».

 

Agir contre le militarisme, les violences, la guerre. Les analyses et les exemples donnés dans le second chapitre « Les Femmes en Noir traîtres à la nation et à l’Etat serbes » souligne l’action, entre autres, de Zene u Crnom, après l’écroulement de la Yougoslavie, les projets nationalistes en concurrence des Serbes et des Croates, l’expansionnisme vers la Bosnie-Herzegovine, le projet insensé d’états-nations « ethniquement purs », les viols comme arme au service des nettoyages ethniques…

 

Femmes en Noir contre la guerre ou Zene u Crnom protiv Rata, critique du nationalisme patriarcal et du militarisme, opposition première « aux meurtriers de son propre pays », désobéissance civile et révolte à l’encontre de l’Etat nationaliste… L’auteure parle des « ethnicités réinventées », et pour les groupes ayant subi le nettoyage ethnique, des identités choisies comme source de fierté, « chaque femme entretient une relation singulière avec les marqueurs identitaires que sont la race, la nation, l’ethnicité et la religion », des identités complexes et imprévisibles, des liens entre violences domestiques et viols, « le viol des femmes en temps de guerre n’est qu’un moyen pour un groupe d’hommes de s’adresser à un autre groupe d’hommes pour l’insulter et l’humilier ».

 

Au « le personnel est politique », des femmes soulignent que « le personnel est international » et l’auteure montre l’importance des contacts et des coopérations internationales, des actions transfrontalières, des processus d’enracinement et de déplacement…

 

Cynthia Cockburn parle aussi de culpabilité et de responsabilité, de non hiérarchisation des victimes, de rétablissement de liens et de recherche « des fondements politiques à partir desquels il était possible de concevoir une solidarité renouvelée », ce qui n’est pas la même chose qu’un « se réconcilier », de reconnaissance des crimes commis « en notre nom »…

 

Dans le dernier chapitre « Le genre fait la guerre : un point de vue féministe sur le militarisme », l’auteure résume des analyses féministes de la guerre, « analyses sans pareil en ce qu’elles émanent directement de l’expérience des conflits armés et d’un positionnement social tout à fait spécifique : celui des femmes dont l’engagement militant a été provoqué par la guerre ».

 

Rapports sociaux de sexe à prendre en compte dans l’analyse, savoirs situés, enquête réflexive, vision du pouvoir qui va au-delà de la seule question du travail et des modes de production, lien entre résurgence du militarisme et du nationalisme et résurgence du patriarcat, historicité de la domination masculine, guerre comme culture, complexe militaro-industriel, système et continuum, institutionnalisation de la violence, fabrique de l’autre, masculinité et régime patriarcal…

 

Parler de la guerre sans parler des rapports sociaux de sexe, du système de genre, c’est volontairement se taire sur des réalités qui concernent plus de la moitié de l’humanité, c’est masquer une part de la construction même de violence… Les analyses du militarisme et des guerres doivent être soumises au prisme du genre, c’est ce que fait ici Cynthia Cockburn.

 

En complément possible :

« Aux féministes, aux femmes », appel d’Hélène Brion contre la guerre en juillet 1914, paru dans la Bataille syndicaliste (Cgt) : aux-feministes-aux-femmes-appel-dhelene-brion-contre-la-guerre-en-juillet-1914/

 

Andrée Michel : Féminisme et antimilitarisme : le-systeme-militaro-industriel-pratique-une-politique-de-genre-dynamique/

 

Jules Falquet : Préface au livre de Pinar SELEK, Devenir homme en rampant : jules-falquet-2013-preface-au-livre-de-pinar-selek-devenir-homme-en-rampant-paris-lharmattan/

 

Marieme Helie Lucas : Le Tribunal des Femmes en ex-Yougoslavie : le-tribunal-des-femmes-en-ex-yougoslavie/

 

et des textes de Joelle Palmieri.

Cynthia Cockburn : Des femmes contre le militarisme et la guerre

Traduit de l’anglais par Séverine Denis

La Dispute Legenredumonde, Paris 2015, 170 pages, 14 euros

 

Didier Epsztajn

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