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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 13:39

affichette surveillance auray 4Ce vendredi 3 juin, à Auray, après un "apéro dinatoire" (yeah !) pris en commun avec la caravane des gueuses et gueux, la discussion s'est décomposé en 4 parties :
- la 1ère présenta la problématique de la vidéosurveillance à Auray, dans le Morbihan et ailleurs (en 10 minutes) ;
- la 2ème fut une intervention de 20-25 minutes de Jean Pierre Tertrais (texte ci-dessous) qu'on remercie d'avoir fait le déplacement. Il est l'auteur de la brochure " le contrôle social en société dite démocratique", qui inclut la vidéosurveillance dans une logique plus globale que se donnent l'Etat et le système capitaliste pour nous encadrer et prévenir une éventuelle contestation radicale,
- la 3ème, dans le prolongement de ce qui précède, fut une présentation de la caravane des gueux et des gueuses contre les politiques sécuritaires et liberticides, par des membres de la caravane eux mêmes et elles mêmes : nous les remercions aussi pour avoir fait étape à Auray !
- enfin, ce fut le débat, les échanges ! Au groupe libertaire Lochu, nous ne prétendons pas avoir de vérité toute faite. Nous nous défions des spécialistes et des avant gardes d'ailleurs. Au sein du groupe, nos approches ne sont pas monolithiques... Pour le débat, nous insistons sur le respect de la parole : on ne coupe pas la parole de celui ou celle qui cause, de même on évite de monopoliser la dite parole ! Comme on en a ressenti le besoin, une distribution de la parole a été mise en place.

 

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LE CONTROLE SOCIAL

 

Définition de François Bourricaud, sociologue : « ensemble de ressources matérielles et symboliques dont dispose une société pour s'assurer de la conformité de ses membres à un ensemble de règles et de principes prescrits et sanctionnés ».

 

C'est dire que le contrôle social ne s'exerce pas seulement par les institutions mais aussi par les populations sur elles-mêmes, par le biais du respect des traditions, des coutumes en matière d'habillement, d'alimentation, et surtout de liens familiaux. On sait que ce contrôle peut aller jusqu'au meurtre.

 

On connaît aussi les expériences de plus en plus développées de milices privées et bénévoles, de groupes de voisins organisant l'auto-surveillance de leur quartier, les appels à la délation.

 

L'exposé sera cependant axé sur l'aspect « lutte de classes », c'est-à-dire le contrôle d'une population par une classe au pouvoir.

 

Dans toute société, un groupe dominant tente d'instaurer la stabilité, le respect de ses propres valeurs. Rapidement, ce groupe ne tolérera plus l'existence de valeurs qui menacent son pouvoir, et se forgera des instruments pour contraindre les individus à partager ses valeurs, à remplir des rôles sociaux attendus, à adopter la conformité et l'obéissance, à adhérer à un consensus mou. L'institutionnalisation des normes se réalise soit par l'intériorisation, soit par l'établissement d'un système de sanctions.

 

Pendant longtemps, cet ordre moral a été assuré par la famille, l'Etat, l'école, l'armée, et peut-être surtout par la religion, leurs influences se renforçant mutuellement puisque leurs choix convergent pour assurer ce qu'on appelle l'ordre public, c'est-à-dire l'ordre bourgeois et capitaliste. La situation a évolué aujourd'hui ; les acteurs ne sont plus tout à fait les mêmes.

 

Les objectifs, eux, sont identiques : justifier les inégalités sociales, faire accepter l'ordre établi par ceux-là mêmes qui le subissent, en le légitimant comme naturel, voire comme divin. Prêcher la résignation. Favoriser l'apprentissage de formes de relations sociales fondées sur la soumission et l'aliénation. Privilégier des qualités telles que l'ordre ou la discipline au détriment de l'esprit critique. Valoriser le culte du chef et s'appuyer sur le charisme individuel. Faire adhérer à l'idéologie républicaine et à la patrie...

 

Le groupe dominant peut imposer ses valeurs de différentes manières. Il peut gérer en douceur les relations sociales si le rapport de forces est en sa faveur ; il devient agressif si son existence est menacée.

 

Depuis les années 1960 notamment, l'autorité, sous sa forme traditionnelle, a subi une crise. Ce qu'on appelle les démocraties libérales ont élaboré un système beaucoup moins visible, beaucoup plus subtil. La soumission et le contrôle des consciences sont acquis non par la force mais par la séduction. On entrait dans l'ère de l'exploitation douce, de l'oppression souriante. Les psychotropes, les antidépresseurs, le conditionnement, la manipulation, l'hypnose sont préférés à la matraque. L'autocensure à l'interdit. L'idéal étant une population docile qu'il serait inutile de contraindre parce qu'elle aurait l'amour de sa servitude.

« L'endoctrinement est à la démocratie ce que la coercition est à la dictature », écrivait Noam Chomsky.

 

Les progrès de la technologie ont été déterminants dans le perfectionnement des techniques de surveillance et d'encadrement collectif. Ce que les dirigeants souhaiteraient, c'est ce que nous décrivaient Aldous Huxley dans « Le meilleur des mondes » et George Orwell dans « 1984 ». Une société totalitaire mécanisée, standardisée, automatisée, débarrassée de la dimension imprévisible de l'Homme, du caractère aléatoire de la vie.

 

« Plus une société devient libre, plus il est difficile d'utiliser la force », écrivait aussi N. Chomsky. Mais si la technique est efficace, elle peut ne pas suffire ; c'est donc à un jeu permanent et pervers entre la carotte et le bâton que se livre le pouvoir.

 

Une surveillance hiérarchisée, continue et fonctionnelle, s'est progressivement mise en place, visant à rendre transparente la vie des citoyens ordinaires... tout en préservant l'opacité des activités des décideurs.

 

Le préalable reste, bien entendu, le formatage du citoyen, la « fabrication du consentement », c'est-à-dire la diffusion massive d'un message unique – la pensée unique – qui légitime le pouvoir en place. C'est la télévision qui jouera le rôle principal. Dans une revue de travailleurs sociaux, il était écrit : « La télévision est un outil de répression psychologique bien plus fort que n'importe quelle prison ». Quand on sait que 95% des foyers possèdent au moins un téléviseur qu'ils regardent en moyenne 3h30 par jour, on a une idée assez précise des dégâts commis.

 

Il s'agit d'orienter l'information, c'est-à-dire de la sélectionner. Ted Turner, patron de la CNN, affirmait : « Si nous ne mentionnons pas un événement, il ne s'est pas produit ». Il s'agit aussi, par la rotation rapide des images, de semer la confusion, d'empêcher de réfléchir en profondeur et d'exercer son esprit critique, d'éliminer tout débat de fond, de distraire l'individu, c'est-à-dire de le détourner de l'essentiel, de le réduire au rôle de spectateur passif. C'est un véritable programme de lobotomisation des cerveaux et de colonisation de l'imaginaire illustré par les propos de Patrick Le Lay, patron de TF1 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible ».

 

Il s'agit aussi d'intérioriser certaines valeurs : individualisme, compétition, caractère naturel de la violence et de la hiérarchie, valorisation de la réussite, religion de la croissance, foi dans le progrès technique... De renforcer l'identification à des modèles, notamment par le sport de haut niveau, excellent moyen de dépolitisation des masses. De développer aussi la culture d'entreprise qui consiste à susciter de l'intérieur l'adhésion de l'individu à une logique d'organisation, à un projet certes collectif, mais décidé par d'autres.

 

Parallèlement se développe une surveillance au quotidien dont le but est de répertorier les faits et gestes de la population pour identifier les « déviants » au modèle dominant, de les isoler puis de les neutraliser. Il ne faut donc pas s'étonner que les cibles prioritaires soient les opposants politiques, les responsables syndicaux, les militants des droits de l'Homme, les journalistes, les meneurs étudiants, les minorités, les anarchistes.

 

Parmi les outils de cette surveillance, citons : le fichage informatique avec l'interconnexion de nombreux fichiers, avec les traces informatiques laissées par les cartes de crédit, les appels téléphoniques ou la navigation sur Internet ; la vidéosurveillance dont l'objectif est la normalisation intériorisée des rapports entre dominants et dominés (600 000 caméras en France, dont 45 000 publiques) ; la surveillance dans le monde du travail (une étude estime que 67% des entreprises sont engagées dans une forme de surveillance intrusive de leurs employés) ; l'action sociale, c'est-à-dire la tentative par le pouvoir d'utiliser les travailleurs sociaux pour exercer une surveillance rapprochée des populations jugées difficiles, pour réintégrer de force les « improductifs » dans les liens du travail ; l'implication citoyenne, le processus électoral lui-même constituant un outil de contrôle d'une importance considérable, parce que ceux qui ne se soumettent pas à ce processus en s'abstenant de voter représentent une force précisément incontrôlable : ils pourront être tentés d'utiliser d'autres canaux pour donner libre cours à leur potentiel revendicatif (manifestations, occupations, grèves, émeutes, désobéissance civile...). Sans oublier la nouvelle loi LOPSI 2, la prévention de la délinquance, le fichier « base élève », les puces électroniques, les nanotechnologies...

 

Malgré ce contrôle diffus et généralisé qui engendre même la perte du sens de la vie privée, les classes dirigeantes ne parviennent pas à faire taire toutes les voix ; la résignation n'a pas encore triomphé définitivement. Et pour maîtriser les rebelles, les insoumis, des politiques répressives sont mises en place, largement accélérées par les événements du 11 septembre 2001. C'est la gestion policière, voire militaire, d'une situation économique et sociale de plus en plus dégradée.

 

Ces politiques sont servies par un discours : l'idéologie sécuritaire. Se voulant scientifique, neutre, apolitique, elle s'appuie sur quelques techniques bien connues.

° procéder à un amalgame, parfois grotesque, entre : terrorisme, trafic, violences urbaines, cambriolages, délinquance, agressions sexuelles.

° manipuler les statistiques ; le plus souvent en les gonflant artificiellement pour justifier l'urgence des forces de police.

° dissocier les violences qualifiées d' « irrationnelles », de « gratuites » de leur contexte socio-économique, évacuer la dimension politique du comportement des jeunes (même si ce n'est pas toujours le cas), dissimuler la délinquance comme expression de révoltes, et le suicide ou la conduite à risques comme conséquences d'un mal-être.

° minimiser la responsabilité policière dans la détérioration du climat social ou dans le déclenchement de certaines émeutes.

 

Ces politiques répressives se manifestent notamment sous deux formes :

° la criminalisation du mouvement social.Un peu partout sur la planète, des mouvements d'opposition se développent (injustices, exploitation, mondialisation...). Parce que ces mouvements remettent en cause la stabilité de l'ordre social, les gouvernements, les Etats durcissent les politiques sécuritaires, accentuant la criminalisation de ces mouvements sociaux et le harcèlement judiciaire des militants associatifs, syndicaux et politiques. Il s'agit de marginaliser, de discréditer une contestation jugée « irresponsable », d'assimiler tout mouvement radical à une activité terroriste, tout opposant à un simple casseur, toute résistance à du vandalisme. Il s'agit aussi d'asphyxier financièrement ces organisations.

 

° l'enfermement. Le système carcéral constitue un élément fondamental du contrôle social. Il s'agit bien du contrôle des classes dites dangereuses pour le pouvoir en place, puisqu'on y trouve essentiellement les victimes de l'accroissement des inégalités sociales. C'est l'incarcération de masse conçue comme politique de lutte contre la pauvreté. Et pas seulement aux Etats-Unis.

 

Alors quelles perspectives de lutte et de changement peuvent se dessiner ? On a vu tout à l'heure que, s'il se sent en danger, le pouvoir devient brutal, intransigeant. Or le capitalisme est en train de s'auto-détruire. C'est-à-dire qu'il a lui-même sapé les bases d'une croissance économique dont il s'est toujours servi pour surmonter ses contradictions internes, croissance dont il a absolument besoin pour se perpétuer. Ce système si sophistiqué est devenu très vulnérable. Mais ceux qui le servent sont prêts à aller jusqu'au bout. Le pouvoir économique et politique se prépare à ces difficultés, et notamment par les techniques de guérilla urbaine. L'enjeu dépasse donc de très loin le seul contrôle social.

 

 

 

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