blog - Vannes & alentours
Si les services aux publics c'est l'égalité des citoyens et des citoyennes... l'Égalité cela ne peut être que la gratuité.
Texte d'un tract diffusé en mai 2005 au Faouët (56) par les groupes de Bretagne de la fédération anarchiste lors de la manif pour les services publics
À quoi servent les services publics ?
À garantir l'égalité sociale,
à mettre en place le partage des richesses !
La France est la 4e puissance mondiale. Les PDG du "CAC 40" gagnent 500 fois le SMIC, mais des milliers de personnes dorment dans les rues, les "restos du cœur" distribuent des millions de repas.
Dans une civilisation qui se dit évoluée, les services AUX publics sont un droit inaliénable, donc : NON marchands, d'accès libre, universels. Ils garantissent l'égalité des citoyens et citoyennes du point de vue géographique, ils sont aussi facteurs d'entraide et de redistribution égalitaire des richesses.
Ils touchent toutes les activités indispensables à la vie en société : l'éducation, le logement, la santé, les transports, la culture (les bibliothèques, la télé,...), l'accès aux communications. Mais aussi la gestion de la cité (au sens large), la gestion des ressources naturelles ; la distribution de l'énergie, de l'eau, etc. Entreprises privées, nationalisées, administrations d'État, ce n'est pas la qualité du "propriétaire" qui importe, mais bien la fonction d'utilité sociale pour la population. Si nous combattons la privatisation ou l'introduction des logiques du capitalisme dans le secteur public, nous ne menons pas pour autant une campagne pour la re-nationalisation.
Un service peut toujours être détenu par l'État (ou une collectivité locale) et se donner comme objectif de fonctionner selon les critères d'une entreprise privée : mettre en avant la rentabilité financière sous couvert de modernisation. C'est déjà la réalité : EDF, la SNCF ou La Poste se conduisent en France et à l'étranger comme les pires des capitalistes.
Le capitalisme renforce l'État et détruit le service public
À la Libération, le capitalisme avait besoin de s'appuyer sur des services publics pour favoriser la reconstruction. Par ailleurs, la pression populaire et les risques d'explosion sociale l'ont forcé à lâcher du lest. Dès le début des années 80, les gouvernements de gauche et de droite ont entrepris un virage - prévisible - au profit des logiques du marché. C'est le couple Tapie/Mitterrand qui a organisé la célèbre émission de télé avec Yves Montand : "Vive la crise !" En 2001, c'est un ministre communiste qui a criminalisé la misère dans les transports (10 voyages sans ticket de métro = 6 mois de prison). Ce sont les différents gouvernements qui ont fermé des bureaux de postes, des classes, des écoles, des maternités, des services de proximité et dans le même temps ouvert des prisons, des commissariats. Pour y mettre les chômeurs et chômeuses en lutte ?
Ce sont les causes de la précarité qu'il faut combattre pas ceux et celles qui la subissent.
Justement les services publics contribuent activement à la lutte contre la misère économique, sanitaire, culturelle et sociale parce qu'ils réaffectent égalitairement les richesses produites. C'est pourquoi les capitalistes les combattent. Ils veulent supprimer l'idée de mutualisation des coûts et de répartition égalitaire des richesses pour promouvoir les valeurs comme le profit, les patrons entreprenants, la bourse, la flexibilité des salariés, la débrouille individuelle plutôt que les solutions collectives. Ils ont aussi essayé de culpabiliser les salarié-e-s, de leur faire prendre en compte dans leur travail les lois du marché plutôt que l'utilité sociale de leurs actions.
Dans les journaux, à la télé "on" nous dit qu'il n'y a plus d'argent. Mais, depuis 1991, les ménages payant l'ISF (impôt sur la fortune) ont doublé.
Aujourd'hui, la gauche se lamente sur la disparition progressive de l'État, c'est une erreur !
L'État se recentre : il lègue au capitalisme toutes ses activités lucratives qui concurrencent les entreprises privées. Il vend aux collectivités les services de proximité, ce qui va agrandir le fossé entre régions riches et pauvres. En parallèle, il se renforce sur son activité régalienne (Police, armée, justice, réglementation, législatif, etc.). Ce sont les services publics qui disparaissent, mais ni l'armée, ni la police, ni les prisons. Le service public gêne l'objectif principal du capitalisme : faire des profits !
L'État se charge de mettre en place une politique humanitaire (RMI, ASS...) afin de cacher les injustices les plus inacceptables pour la population.
L'État n'aurait plus les moyens financiers d'assurer la solidarité sociale ? C'est faux. Les budgets sont en augmentation dans la police, la justice, l'armée, ce qui favorise la répression au détriment de l'Égalité.
Combien d'infirmiers/ières, de postiers/ières, d'instituteurs/trices avec le coût d'un porte-avions ? Les recettes de trois derniers "Téléthon" représentent à peine le coût d'un avion de combat du type "Rafale".
Qui décide qu'il est plus important de construire un char Leclerc que de fournir des équipements aux chercheurs ? Les gouvernements favorisent les militaires et privatisent la recherche. Sous prétexte de modernisation, les dirigeants des services publics parlent "d'écoute du client", mais ne prennent en compte que les consommateurs les plus rentables.
Le fait de transformer les usagers en "clients" ou en "bénéficiaires" permet d'imposer la rentabilité financière, cela favorise les entreprises, fait payer le/la citoyen-ne et impose aux salarié-e-s une remise en cause des conditions de travail. Partout où ils le peuvent, les gouvernements appliquent les recettes du capitalisme : externalisation des missions, création de filières privatisées, augmentation de la rentabilité financière par la réduction de la masse salariale et abandon des missions dites "non rentables". Ce qui se traduit par une diminution des effectifs, des restructurations régulières, un abandon des zones rurales ou "pauvres", un transfert des activités vers les entreprises : la part du secteur privé de la santé est devenue majoritaire ou encore la privatisation des services communaux ou les cantines scolaires. Autre exemple : l'emploi massif de stagiaires, de précaires, d'intérimaires...
Vers la gestion directe par les usagers et les salariés. Qui décide et comment ?
Personne ne doit décider à notre place : assemblée d'usagers, mandatement des responsables, compte-rendus réguliers et possibilité de révocation.
Pour sauver le service AUX publics, il faut le débarrasser des politiciens (de l'État), de la rentabilité financière et aussi du corporatisme. Notre projet est de mettre le citoyen et la citoyenne au centre des préoccupations du secteur public afin de définir son action en fonction de NOS besoins (usagers et salarié-e-s) et non de ceux du capitalisme ou de l'État. Il faut rendre le service public à ceux et celles qui l'utilisent, qui y travaillent. La politique de chaque service public doit être définie par l'ensemble des citoyen-ne-s. Elle ne doit pas être centralisée ni animée d’un esprit de concurrence, mais fédéraliste et mutualiste. Nous devons inverser les prises de décisions et rendre révocables les directions de ces dits services ainsi que les élu-e-s.
Des dizaines de milliers d'emplois perdus depuis des années sont à re-créer.
Pas n'importe lesquels, personne ne contestera une embauche massive d'infirmiers/ières, de profs ou de conducteurs/trices de bus. Il est hors de question pour nous, de soutenir par opportunisme ou corporatisme, l'embauche de policiers, de contrôleurs/euses, de mâtons et autres emplois socialement néfastes. L'embauche est donc nécessaire, mais pas suffisante. Il n'y a pas de liberté pour les individus sans égalité. Il n'y a pas non plus d'égalité des droits sans égalité sociale. Aujourd'hui, la gratuité est la seule garantie d'égalité sociale.
Le service public égalitaire et autogéré
permet au citoyen et à la citoyenne de maîtriser leur avenir.
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Pour aller plus loin, vous pouvez consulter les articles de l'excellent trimestriel Offensive de janv 2005 (édité par Offensive Libertaire et Sociale) :
* Historique des services public
* Ne pas opposer services publics et marché
* L’Etat aux mains des libéraux
* Pour un statut d’intérêt général
* Une recherche bien opaque...
* Bibliothèques publiques pour intérêts privés
* Quand le mouvement ouvrier ne défendait pas les services publics
* Repenser les services publics
Ce dernier article "repenser l'utilité sociale" qui est une production de l'OCL (Organisation Communiste Libertaire) est reproduit ci-dessous.
Quels liens tisser entre projet communiste libertaire et luttes sociales aujourd’hui ? Quelles articulations entre Etat, service public et intérêt général ? Nos camarades de l’OCL nous font partager leurs réflexions.
Transports, services de santé, enseignement, postes et télécommunications, etc. L’heure est à l’économie et à la privatisation, avec tout ce que cela implique pour les travailleurs-euses du secteur public et pour les usager-ère-s. Aggravation des conditions de travail comme dans les autres secteurs économiques, dégradation des services. On fait des économies sur ce qui ne rapporte pas, on cède au privé ce qui est susceptible d’engendrer des profits. L’affaire roule d’autant mieux si elle est menée par des progressistes qui ne cessent de proclamer leur attachement à la notion de service public.
Il est illusoire d’attendre de l’État qu’il soit le garant du service public. L’État n’est pas public et il n’est pas une abstraction. Il est constitué d’individus et d’institutions, dont le pouvoir repose en définitive sur l’usage de la force (« L’État, c’est une bande d’hommes armés », selon l’expression d’Engels). Le service public est donc parfaitement instrumentalisé dans ce processus, puisqu’il vise en définitive non pas à la satisfaction de la population, mais à organiser les conditions qui permettent au capitalisme de fonctionner et de dégager des profits.
La critique de la notion de service public, déjà entreprise par les libertaires, est donc une tâche essentielle aujourd’hui pour détacher celle-ci de l’État.
Quelle égalité ?
Affirmer que l’économie doit avoir pour objectif la création de biens et de services utiles à chaque individu et non d’engendrer des profits pour quelques-uns, c’est également démontrer que tout devrait être service public, et dénoncer le caractère arbitraire de ce qui est actuellement défini comme tel. Pourquoi l’eau devrait être un service public comme le réclame Attac, mais pas la nourriture ou l’habillement ? C’est ce type d’absurdité qui n’est jamais remis en cause par les réformistes.
Les services publics se cachent derrière un soi-disant principe d’égalité qui n’existe pas véritablement. Le tarif de l’électricité, des télécommunications, du courrier, etc., n’est pas le même suivant que l’on est un-e usager-ère domestique ou un usager industriel. À la SNCF, il existe toujours un tarif 1re classe et un tarif 2ème classe, un tarif TGV et un tarif Corail, un tarif « public » et un tarif pour les adeptes de l’Internet, etc. De même, le principe de continuité n’existe pas dans la réalité : on supprime des lignes de chemin de fer sous prétexte qu’elles ne sont pas rentables, on ferme des hôpitaux de proximité pour la même raison, l’usager-ère domestique qui a du mal à régler sa facture EDF se voit couper sa ligne ou baisser au niveau le plus faible, permettant tout juste l’éclairage, alors que de plus en plus de logements sont équipés du chauffage électrique. Quant au principe de gratuité, n’en parlons pas.
L’instrumentalisation du service public : le plan Hôpital 2007
La santé est désormais organisée sur la base de territoires de santé « régionaux, infra ou inter régionaux... ». La nouvelle forme de coopération public-privé va permettre d’instaurer une concurrence accrue entre les établissements et dilue les établissements publics dans une nouvelle entité juridique : groupement hospitalier d’intérêt collectif (GHIC) à l’exemple de ce qui fut mis en place à la poste vers 1986. Le service public hospitalier glisse vers une entité avec mission de service public dont le statut deviendra progressivement privé. Cette politique est à l’identique de celle dictée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, à travers l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), engage les gouvernements à négocier périodiquement la privatisation de tous les secteurs dits de service (éducation, santé, etc.). Plus de services publics, mais des missions de service public. Une des conséquences inéluctables de cette orientation est l’attribution des secteurs de santé les plus lucratifs au privé. La volonté de privatiser le système de santé public s’affiche de plus en plus clairement de la part du gouvernement, parallèlement au volet qui introduit de plus en plus d’assurances privées dans notre système de protection sociale. Le budget d’un hôpital ne se fera plus sur la base du bilan de l’année écoulée mais sur la base d’un état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD), avec d’éventuelles dotations qui viendraient le compléter. L’acceptation de cet EPRD sera soumise au directeur de l’agence régionale d’hospitalisation (ARH) qui avalisera ou pas. Directeur de l’ARH qui agréera ou non le budget et renverra sa copie au directeur d’établissement qui ne rentre pas dans les critères définis par la politique régionale de santé. Ce système va générer une course aux recettes, une concurrence à l’activité. Les crédits seront alloués selon les volumes de l’activité. Le risque sera la généralisation des activités lucratives et des patients rentables. Dans le cadre de la rationalisation des soins et activités, un hôpital sera recentré via un plateau technique d’offre de soins sur un pôle d’activité (hôpital, une ville, etc.). Chaque service ne fonctionnera plus isolément mais regroupé, en liaison avec plusieurs unités fonctionnelles et complémentaires. Cela pourrait être salué comme un mieux pour le patient anonyme, perdu dans le dédale médico-administratif, attendant tel acte, telle suite pour son traitement. Un bien aussi sous l’aspect d’une mutualisation des moyens mis au service de l’usager avec efficacité, transparence et sans gabegie. Hélas, ce schéma idéal reste tributaire de la politique de santé menée par le directeur de l’ARH dans le cadre d’une libéralisation du service public. Cette rationalisation des soins ne masque même plus les restructurations qui l’accompagnent : suppression de postes, restrictions budgétaires, fermeture de lits, disparition d’hôpitaux périphériques, externalisation de pans du service public vers le privé ou installation de secteurs privés dans les lieux publics.
Les manifestations d’élus locaux auprès des personnels et de la population pour défendre les hôpitaux de proximité sont sans nul doute en rapport avec la réorganisation des conseils d’administration. Le nouveau conseil d’administration voit arriver en force l’ARH qui nomme un collège de personnalités « économiques » en lien étroit avec le comité de direction. Le maire, jusque-là président du CA de l’établissement hospitalier de sa commune, pourrait ne plus avoir cette fonction, car trop souvent en proie à des contradictions internes, notamment dans les opérations de fusion, de recomposition. En clair, le maire est suspect d’être trop souvent débordé par les enjeux politiques locaux et se verra supplanté par l’« économique ».
Pour l’utilité sociale du travail
Au fur et à mesure que la société marchande s’étend, des secteurs entiers de l’activité humaine, qui auparavant étaient décidés plus ou moins collectivement et assumés gratuitement, entrent dans le champ de l’économie. Ces activités, qui structuraient peu ou prou des rapports de solidarité et d’échange, sont donc détruites et remplacées par des ersatz consommables et monnayables. En fait, il s’agit là de rien de plus que de la marche forcée du capitalisme pour s’étendre et trouver de nouveaux marchés, sous forme de territoires ou de secteurs de la vie sociale. Et toujours au prix de la destruction, des peuples, des cultures, des liens sociaux, des activités assumées collectivement, de la gratuité. Pour le capitalisme, c’est reculer que d’être stationnaire !
Telle est fondamentalement l’utilité de presque tout ce qui se produit actuellement sur Terre : pouvoir se vendre. L’unique objectif de la mise en oeuvre des nouvelles technologies est la sacro-sainte croissance et la nécessité pour le capital d’accroître la production en diminuant les coûts. L’utilité sociale, celle de la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se chauffer, de jouer et de jouir, de connaître et de découvrir, ne sert que de toile de fond aux activités mercantiles. Ces dernières s’appuient sur ces nécessités non pour les satisfaire, mais pour faire miroiter une hypothétique satisfaction qui recule au fur et à mesure que les capacités de production s’étendent. L’utilité sociale est au marketing ce que la libido est au psychanalyste : son fonds de commerce.
C’est ainsi que se réalise une société de frustration qui s’articule autour de la pénurie matérielle dans certaines zones et certaines classes, et d’une abondance falsifiée et d’une vie sociale appauvrie dans d’autres zones.
En fait, l’utilité sociale, l’utilité de ce que l’on produit, est d’abord un problème politique qui devrait découler de choix de société. Autrement dit, « on veut vivre comme ça et on s’en donne les moyens », et non le contraire, « on produit d’abord, on verra ensuite ». Le capitalisme a sacralisé la production au point que c’est le processus productif qui détermine nos rapports sociaux, nos envies, nos désirs. Et c’est précisément cela dont nous ne voulons plus !
Mais qui, « nous » ? Nous entrons là de plain-pied dans la définition de la ou des collectivités humaines. Pas cette collectivité mondiale et abstraite, celle du pseudo-« village planétaire », qui n’existe qu’au travers des médias et du Capital ; mais ces collectivités, en chair et en os, faites de rapports de proximité, de connaissance de leur environnement, celles qui permettent d’envisager la démocratie directe. Des collectivités entre lesquelles peuvent se construire des rapports de solidarité, d’égalité et d’échange et non de haine, de guerre et de concurrence, comme cela se produit lorsque la collectivité a été détruite ou affaiblie. Car le problème est bien que la primauté de l’Économie sur le Politique (au sens noble) déstructure perpétuellement les communautés humaines, y compris celles que le système a lui-même créées, atomise les individus et laisse le champ de la communication, des interactions et des décisions aux différents pouvoirs.
Parler d’utilité sociale renvoie donc au territoire, au communautaire, au collectif, au « maîtrisable », autant dire à tout ce dont ce système cherche à nous déposséder et qu’il s’agit, par les luttes, de se réapproprier.
Organisation communiste libertaire