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blog - Vannes & alentours

Compte-rendu soirée cinémanar "Even cowgirls get the blues", à Vannes le 15 juin 2012

Vendredi soir, pour notre projection du film « Even Cowgirls get the blues », à Vannes, nous étions une douzaine. La parole en a été d’autant plus libre et a pu circuler facilement. C’est que ce film comique et déjanté, mais pas seulement, ouvre de nombreuses pistes de réflexion. Il a instauré une ambiance chaleureuse qui a donné à chacune et à chacun l’envie d’en discuter, de confronter ses ressentis. De fait, après avoir dû rendre la salle municipale (23 h), avec une partie du public nous nous sommes retrouvé-e-s au bar l’éloge de la lenteur pour poursuivre la discussion.

Voici l’introduction de cette soirée et des éléments des discussions qui ont suivi (non exhaustifs et probablement pas retranscrits dans les termes exacts qui ont été dits)…

Introduction Projection-Débat « Even Cowgirls get the blues »
 

Le groupe :

 Cette projection-débat est à l'initiative du groupe libertaire René Lochu – Francisco Ferrer de Vannes et Lorient. Ce groupe s'engage notamment à diffuser les idées libertaires :
l'élaboration d'une société dépourvue de hiérarchie, d'autorité, de relation de domination, de pouvoir ; l'élaboration d'une société fondée sur le fédéralisme, l'autonomie, l'auto-gestion ; l'élaboration d'une société juste où l'individu est émancipé, épanoui, conscient et libre. Dans ce cadre de diffusion d'idées libertaires, cette projection-débat, autrement appelée cinémanar, propose en particulier une réflexion sur les questions féministes.

Le groupe fonctionne avec la fédération anarchiste, une partie des membres du groupe y est fédérée, affiliée. Nous proposons l'hebdo qu'elle édite à prix libre - le Monde libertaire -, la radio de la FA -  radio libertaire - peut être écoutée sur Internet par ici, l’organisation s’est dotée d’une structure d'éditions de brochures et livres : les éditions du Monde libertaire, ses  groupes ou liaisons sont présents sur presque tout le territoire français et certains disposent de locaux-bibliothèques-librairies dont Rennes ; elle a aussi un secrétariat aux relations internationales...

Nous avons un blog "anars 56". Il est possible de s'inscrire à la lettre d'infos (2 ou 3 envois par mois).

Le film :

even cow girlsEven Cowgirls get the blues est un film de 1993 du réalisateur Gus Van Sant, tiré du roman du même nom, de Tom Robbins, publié en 1976. Une jeune fille est atteinte d'une malformation des pouces. Ils sont extraordinairement longs. Elle va, une fois adulte, se consacrer à sa passion : l'auto-stop. Elle tient en ces pouces le pouvoir magique d'arrêter tout véhicule apparaissant devant elle. Elle circule ainsi dans toute l'Amérique en ne s'arrêtant que très rarement, éprouvant ainsi un grand sentiment de puissance et de liberté. Nous n'allons pas vous raconter toute l'histoire de cette jeune femme et vous gâcher ainsi le plaisir de cette séance de cinémanar. Ce film, vous allez le voir, développe plusieurs thèmes qui rejoignent certaines idées libertaires et notamment le féminisme *, comme la question du genre, du travestissement, de la sexualité féminine et de l'émancipation des femmes.

Nous vous souhaitons une bonne projection.

* Rappelons que le féminisme est cette réflexion et ce combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le débat :


Premier thème : L'image de la femme véhiculée par la société américaine : « Ce sont les difformités imposées aux gens par la société que je trouve navrante. » (Sissi)

C'est d'abord la famille qui transmet l'image de la femme, son devoir-être, son rôle dans la société et dans la famille, ses rapports avec les hommes et les femmes. Ainsi, la mère de Sissi reflète l'exact devoir-être d'une femme dans les années 60 : bien habillée, à la mode, femme au foyer, rejetant l'homosexualité et dont l'angoisse première pour l'avenir de sa fille est son devenir amoureux : va-t-elle trouver un mari ? Le mariage est présenté par ce personnage comme l'objectif premier de toute femme, l'apothéose d'une vie. Le père, quant à lui, véhicule aussi une image particulière de la femme, notamment dans ce qu'elle ne doit pas être, c'est-à-dire un homme : « Elle pourrait faire un sacré auto-stoppeur » lui dit un ami « ça oui, si elle était un garçon » répond le père.

C'est ensuite la société entière qui prend en charge le façonnage du devoir-être féminin : les images publicitaires, le parfum, l'accentuation des stéréotypes du comportement féminin par le personnage du travestis homme en femme appelé « la Comtesse », le corps en perpétuel effort de transformation avec le centre de « beauté » qu'est le ranch. Le corps doit être au plus proche du canon de beauté et de comportement que l'on impose à la femme : elle doit être mince, maquillée, parfumée, jeune, belle.


Deuxième thème : La question du genre. Parallèlement au devoir-être féminin imposé par la société, co-existe dans le film le renversement de ce devoir-être. Les genres se mélangent, se troublent. A la femme au foyer qu'était sa mère, Sissi oppose une vie nomade. Au rêve de mariage et de prince charmant de sa mère, Sissi oppose une masturbation, une homosexualité et des relation sexuelles avec un vieux ahuri légèrement obsédé appelé « le chinetoque ». Le prince charmant, image du héros brandissant tous les obstacles, devient dans le film un émotif asthmatique aquarelliste.

A son boulot de top-model, Sissi oppose une tenue sale, une combinaison à frange, un chapeau mou. Le féminin et le masculin se mêlent dans les personnages de La comtesse et des Cowgirls. Chacun endosse les caractéristiques de l'autre.

La discussion a porté sur la difficulté toujours actuelle par exemple, pour un homme, de se déplacer dans la rue en étant maquillé. Le regard réprobateur des autres et peut-être leurs réactions pèsent encore d’un poids considérable. Cette appréhension est-elle si justifiée ou est-elle partiellement fantasmée ? Car ne nous appartient-il pas si l’on veut se sentir libre de franchir le pas et de réaliser les actes que l’on voudrait ?

Dans le film, nous avons aussi constaté que l’homme qui était particulièrement apprécié des cowgirls, le « Chinetoque », était un individu particulièrement décalé, hors normes, anti-conformiste, de plus assez âgé.

 
Troisième thème : Le parallèle entre les femmes et les grues d'Amérique (oiseaux migrateurs) pouvait aussi faire l’objet d’une réflexion mais nous n’avons guère emprunté cette piste. Il nous a semblé néanmoins qu’il n’était pas légitime de la part des cowgirls de faire ingurgiter une drogue aux grues, entraînant des comportements anormaux, modifiant leur style de vie. L'intégrité des oiseaux n’était pas respectée…
 

Quatrième thème : l'émancipation féminine. Les femmes agissent par elles-mêmes. Leur propre libération, par la réappropriation du ranch et son autogestion, ne vise pas qu’elles-mêmes. Le fait qu’elles ont su garder au sein de la propriété les grues, par un subterfuge, leur donne accès aux médias et elles se livrent alors à une dénonciation de la société patriarcale. Elles soulignent toutes les tares que les hommes (détenteurs de fait des pouvoirs) portent en eux et les dégâts considérables qui en découlent. Elles expliquent qu’elles veulent l’émancipation de toutes les femmes.

Si les femmes se sont armées pour tenir à distance les forces gouvernementales, elles considèrent que pour une véritable libération, il ne leur faut pas utiliser les mêmes moyens que les hommes, à savoir la force armée. Les moyens de l’émancipation sont encore à inventer…


• Cinquième thème : L'autogestion. Au motif (légitime à nos yeux !) que ce sont elles qui font vivre le lieu, les cowgirls s’emparent du ranch où elles travaillent et en chassent le propriétaire légal. Elles se réapproprient donc leur outil de travail et de vie et l’organisent ensuite à leur guise, le défendent contre la police et l’armée (composées uniquement d’hommes dans ce film ! sûrement pas un hasard !) qui veulent les en dénicher. L’autogestion ne nous a pas paru complète car une forme de hiérarchie est maintenue entre les cowgirls, avec un phénomène de leader informelle… Peut-être est-il (temporairement ?) justifié par le fait que cette personne était l’inspiratrice et la théoricienne du rôle des cowgirls ? Ceci dit, les cowgirls semblent tout mettre en commun : travail et répartition de la nourriture.

Auparavant, avant l’expropriation, nous avons aussi pu assister à une discussion collective sur ce qui tourne rond ou pas au sein du ranch, où chaque femme s’exprimait sur ce qui les concerne directement.

 
• Sixième thème : La difformité. Nous nous sommes aussi interrogé-e-s sur son opération qui lui a permis d’avoir un pouce de taille normale. Pourquoi un seul ? Pourquoi en avoir sectionné un : sans doute est-ce celui qui a porté la terrible baffe qui a failli occire la Comtesse ? Rejet de la violence… On a aussi constaté que le pouce avait sa propre autonomie, une fois sectionnée il était toujours en mouvement !

Mais n’est-ce pas cette difformité, cette différence que non seulement elle assume, mais se l’approprie complètement pour en tirer une fierté et le moyen de sa liberté : voyager (ou plutôt « bouger » comme elle le dit elle-même) en auto stop ? Un besoin de circuler et de ne rien payer pour cela, quelque part à la manière des hobos de la 1ère moitié du XXème siècle.

Le film interroge aussi sur comment on arrive à s’affranchir des voies toutes tracées que la famille et la société voudraient nous voir suivre. Jusqu’où ou combien son anormalité physique a-t-elle compté pour lui faire chercher autre chose ?

Voilà donc quelques fragments de l’échange de notre soirée et qui a semblé plaire aux présentes et aux présents. Nous les remercions d’avoir fait le déplacement !

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