blog - Vannes & alentours
Ce mercredi 18 février, la Cour d'Appel de Rennes rendra son verdict quant à l'appel d'Erwan (Camille à barbe) et Elise (Camille à couettes). Cf. détails ci-dessous. Nous portons une attention particulière à cette affaire de criminalisation militante (une de plus !) car Erwan est venu à plusieurs reprises à Vannes où nous l'avons rencontré : lors de son tour à vélo il y a 2 ans pour faire part de son procès, de ce qui l'avait conduit à agir ainsi de manière pacifiste, et le 8 novembre dernier pour notre rassemblement suite à la mort de Rémi Fraisse (tué par la grenade d'un gendarme sur la Zad de Sivens). La veille, il était à Lorient, invité par le Collectif lorientais contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, avec d'autres "lanceurs d'alerte" et militants syndicalistes poursuivis. Certains d'entre nous avaient aussi été au tribunal de St-Nazaire lors du jugement en première instance.
Voici le site qui relate leur lutte : kamyapoil.
Que nos camarades soient relaxéEs !
Merci à Reporterre et à Isabelle R. pour la reproduction de l'article ci-dessous.
Isabelle Rimbert (Reporterre)
samedi 10 janvier 2015
Condamnés en 2013 à quinze jours de prison avec sursis pour s’être promenés nus devant les forces de l’ordre, deux militants anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont comparu en appel. « Il y a un problème de liberté d’expression par rapport à un acte symbolique », martèle leur avocat. « Outrage », ou « geste poétique » ?
Rennes, reportage
Soutenus par une centaine de militants bravant le froid matinal, Erwan et Elise, les « Camille à poil », comparaissaient mercredi 7 janvier devant la cour d’appel de Rennes. En mars 2013, le tribunal de Saint Nazaire les avait condamnés à quinze jours de prison avec sursis pour s’être dénudés devant les gendarmes en novembre 2012, lors de la vaine tentative d’évacuation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes.
"Problème de liberté d’expression"
L’avocat des prévenus a axé sa plaidoirie sur la définition, imprécise selon lui, de l’outrage par l’article 433.5 du code pénal, et le fait que cet article n’a jamais été soumis au contrôle du conseil constitutionnel. « Un outrage qui est mal défini vient sanctionner un délit d’opinion », a plaidé l’avocat. « Les éléments constitutifs de l’outrage par geste sont flous, la définition légale du délit n’est pas claire. De plus, l’outrage est-il dans le geste ou dans le ressenti de la personne qui se sent outragée ? »
- Erwan et Elise avec leur avocat -
Selon la jurisprudence, le lancer d’œufs, le renvoi de bombes lacrymogènes ou les crachats ont été qualifiés d’outrage. Pas la nudité, a ajouté l’avocat qui met en avant la portée symbolique du geste, évoquant au passage le célèbre tableau de Delacroix, dans lequel la Liberté guidant le peuple avance dépoitraillée.
« Il s’agit d’une condamnation pour l’exemple, et il y a un problème de liberté d’expression par rapport à un acte symbolique », a-t-il martelé. Pour lui, il y a là matière à une QPC, question prioritaire de constitutionnalité, procédure juridique de contrôle de constitutionnalité sur une loi promulguée.
Procès politique
Ces arguments ont été jugés « de faible portée » par l’avocat général, pour qui l’article en question est « conforme à la constitution », et ne donne pas lieu à une QPC. Au terme du délibéré, le président de la cour a donné raison au parquet, refusant de soumettre la question à la cour de cassation « faute de caractère sérieux ».
Interrogés à la barre, Erwan et Elise ont réfuté le caractère outrageant de leur geste, renvoyant la cour aux vidéos dans lesquelles on les voit déambuler tranquillement, « sans provocation, sans intention d’outrager ni attitude irrespectueuse ».
Elise a réaffirmé le fait que, si elle « ne se sent pas capable de porter des banderoles, ou de lancer des projectiles », la nudité est pour elle un moyen d’expression poétique qui lui permet de représenter la fragilité de la nature. Erwan, en larmes, a également asséné à la cour : « J’ai énormément de mal à comprendre que nous soyons traités comme des criminels pour avoir simplement enlevé nos vêtements, alors que d’autres n’auront pas à répondre d’actes bien plus graves », évoquant les mutilations par flashball et la mort de Rémi Fraisse.
- Erwan entouré de clowns -
L’avocat général a demandé la confirmation de la peine prononcée par le tribunal de Saint-Nazaire, et l’avocat des prévenus a requis la relaxe.
A la sortie du tribunal, Elise s’est dite « agréablement surprise par le fait d’avoir été écoutée, contrairement à la première audience, mais un peu déçue que la question de constitutionnalité n’ait pas été retenue ». Erwan, lui, ne se sent « pas naïf sur le caractère très politique de cette affaire », et regrette « que l’on n’ait pas saisi l’occasion de ce procès pour reparler de la criminalisation des militants ».
Un procès politique de plus dans le dossier de Notre-Dame-des-Landes ? Rendez-vous le 18 février, date du rendu de la décision de la cour d’appel de Rennes.