blog - Vannes & alentours
Annick, une sympathisante, nous a adressé le témoignage suivant sur son passage récent à la ZAD du Testet, dans le Tarn, à l'occasion de la lutte contre un barrage destiné à l'agriculture intensive, l'agriculture capitaliste. Plus d'infos sur ce combat, son histoire et ses enjeux : https://tantquilyauradesbouilles.wordpress.com/
Grand rassemblement le samedi 25 octobre (cf affiche ci-dessous).
"Je me sens meurtrie depuis mon séjour dans le Tarn.
Il faut dire que je suis arrivée le samedi soir dans un petit paradis, le genre d’endroit préservé comme je les aime.
Un ruisseau, le Tescou coulait sous une voûte d’arbres au creux de deux collines boisées. Il s’étirait entre des fouillis d’arbres, des bosquets à bestioles et des champs à vaches et le matin, plein d’éclats d’oiseaux dans la lumière.
J’ai tout de suite décidé de planter ma tente tout près de l’eau pour entendre le clapotis du ruisseau.
Le dimanche nous avons fait une grande balade dans la zone condamnée par le conseil général.
Dès le lundi, le cauchemar a commencé : une tribu de 10 à 12 bûcherons sous haute surveillance policière a commencé à attaquer les collines de chênes, charmes, ormes….Tirs de grenades, coups de matraque, flash ball pour les militants qui osaient s’opposer sans violence. Mardi, même destruction mais les gendarmes se sont montrés encore plus agressifs. Ils tiraient des grenades lacrymogènes en visant la tête des militants. Moi-même j’ai été jetée par terre et traînée sur plusieurs mètres.
Le mercredi, les machines de destruction sont entrées en scène ; elles ont arraché et broyé les taillis et ont coupé les arbres. En une minute, la machine les saisit, les coupe, les débite et les sort du chaos. Le bruit des moteurs est incessant et la destruction est efficace, rapide, nette.
Le jeudi soir je ne reconnais déjà plus l’endroit. Je me suis approchée doucement du Tescou car je pensais que les gendarmes étaient partis et j’ai pleuré en constatant les dégâts.
Deux gendarmes ont surgi et m’ont demandé de m’éloigner, j’ai reconnu alors le plus âgé car il était déjà sur le site lundi. En pleurant je lui ai dit « vous étiez là lundi, comme moi, vous avez vu ce qu’ils ont fait ? Vous avez vu ? »
Il a pris son air bourru de gendarme et m’a dit « éloignez vous maintenant, éloignez vous ». Mais je suis sûre que je lui ai sapé le moral : que peut on faire contre les larmes ? Que peut-on faire contre une femme qui pleure ?
Tous les matins, les militants organisaient des actions pacifiques pour retenir les machines et tous les matins elles ont réussi à pénétrer sur le site et se sont activées pour tout détruire. Un ballet se jouait devant nous toute la journée : les machines avançaient, reculaient, broyaient les arbres, les tiraient vers une autre machine, des bras articulés les saisissaient, les coupaient, pivotaient, en pinçaient un autre.
J’ai vu les militants grimper aux arbres et attendre toute la journée là haut.
J’ai vu les clowns et les militants tenter de s’opposer en faisant une chaîne humaine,
J’ai vu les jeunes monter des barricades toutes les nuits pour retenir les machines quelques instants.
J’ai vu les grévistes de la faim,
J’ai vu un agriculteur barrer l’accès du chantier avec ses tracteurs.
J’ai vu des militants à vélo, pédalant comme des fous autour d’un rond-point pour bloquer le passage des machines.
J’ai rencontré aussi beaucoup de solidarité : des Tarnais déposaient des cagettes de légumes, des gâteaux, des confitures, du café et du chocolat pour les zadistes.
Le samedi et le dimanche, le silence est revenu, silence de mort car les oiseaux ont disparu.
Je suis partie le dimanche.
18 ha de la vallée du Testet ont été rasés et depuis le 29 septembre les machines décapent le sol en enlevant l’humus pour que la destruction soit irréversible.
MAIS IL RESTE 9 MOIS DE TRAVAUX DONC 9 MOIS DE LUTTE !
RAPPEL : La zone humide du Testet doit être rasée pour installer une retenue d’eau qui doit servir l’intérêt de 22 producteurs de maïs, agriculture intensive non respectueuse de l’environnement et très gourmande en eau. Coût : 8 millions d’euros."
Annick