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blog - Vannes & alentours

Sujet du bac philo 2024

L’État nous doit-il quelque-chose ?

(Sujet du bac philo 2024)

 

L’État nous doit-il quelque-chose ? Avant tout, définissons ce qu’est l’État et ce qu’il représente pour nous.

 

« D’un point de vue institutionnel, l’État est l’autorité souveraine qui exerce son pouvoir sur la population habitant un territoire déterminé et qui, à cette fin, est dotée d’une organisation permanente. » (Renaud Denoix de Saint Marc, « L’État », Que sais-je?)

 

Si l’on s’en tient à cette unique définition, on pourrait déjà répondre que l’État ne nous doit rien puisqu’il est souverain et qu’il exerce son pouvoir sur le peuple sans avoir à répondre, lui-même, à une autorité supérieure. Il n’existe finalement rien au-dessus de l’État. Louis XIV aurait dit, à son époque, que l’État, c’était lui et comme au-dessus du roi, il n’y avait que Dieu …

 

Ce qu’il faut préciser, c’est que l’État est un pouvoir institutionnalisé, c’est-à-dire que le pouvoir de l’État est détaché de celles et ceux qui exercent concrètement le pouvoir. L’État existe et existera, même si le roi ou le président change. Le roi est mort, vive le roi !

 

Max Weber nous donne une autre définition de l’État, très intéressante. Il nous dit que « l’État est cette communauté humaine qui, à l’intérieur d’un territoire déterminé (...), revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique légitime. »

 

Cette citation a pu être détournée, notamment par Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, qui souhaitait faire dire à Weber que l’État était légitime à user de la violence alors qu’il s’agit en fait d’un constat et d’une définition des pouvoirs de l’État pas une justification de la violence envers le peuple. Mais Gérald n’est pas un scientifique, il n’est qu’un politicien, il n’entend que ce qui l’arrange.

 

Avec ce complément, on peut maintenant aller plus loin dans notre réponse et dire que si l’État pense ne rien nous devoir, c’est parce qu’il se retrouve en situation de domination (on pourrait dire de toute puissance) et qu’il n’entend à aucun moment laisser la population décider librement, seule et sans contraintes.

 

L’État ne nous devrait donc rien puisqu’il serait au-dessus de tout afin de pouvoir nous garantir nos droits fondamentaux que nous pouvons, grosso modo, retrouver sur les frontons de nos mairies : Liberté – Égalité – Fraternité. L’État est un arbitre qui n’est pas là pour nous donner quelque chose mais pour garantir que les lois soient respectées par tout le monde afin d’assurer le bon fonctionnement de la société. En théorie, c’est vrai. En pratique, ça ne l’a jamais été !

 

En fait, comme le disait Mikhaïl Bakounine, l’État est toujours contrôlé par la classe dominante de la société qui s’en sert pour servir ses intérêts et exploiter les classes inférieures. L’arbitre est lui-même un des joueurs qui, en plus, dicte les règles du jeu. Les autres joueurs servent de caution et sont tolérés tant que l’État sort gagnant à chaque partie.

 

L’État ne nous doit rien parce qu’il ne veut rien nous donner. Mais faut-il le déplorer ou bien s’en réjouir ? Certains pensent, au contraire, que l’État nous doit tout et que la population doit s’emparer du pouvoir pour le réorienter vers ses besoins. L’idée est, une nouvelle fois, séduisante en théorie. Le communisme étatique (par opposition au communisme libertaire) l’a mis en pratique avec les résultats que l’on connaît. La dictature du prolétariat qui devait être une transition, avec un communisme pur, aura finalement conduit à une autocratie, par définition autoritaire.

 

Dans un système politique « démocratique », on serait en droit d’attendre que l’État vienne en aide aux plus faibles (on l’appellera alors État-Providence). C’est dans cette optique de le Conseil National de la Résistance avait élaboré son programme qui s’intitulait « Les Jours heureux. » C’est toujours dans cette idée que les pays scandinaves ont mené des politiques sociales assez développées. Encore une bonne idée si ce n’est que cet État reste toujours aux mains des dominants et qu’il ne laisse à sa population que des miettes alors que celle-ci pourrait avoir beaucoup plus si le partage était équitable. Pourtant l’État se proclame le garant de cette équité mais il ne le fait pas. Et ce n’est pas un problème d’incompétence mais plutôt une volonté affirmée de garder en place différentes classes sociales. Et si les pauvres prenaient les rênes de l’État, les choses seraient inversées mais le problème subsisterait. Louise Michel nous disait que le pouvoir était maudit. Lord Acton nous le confirmait par cette phrase : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument »

 

Il est donc plutôt à se demander si la question ne devrait pas finalement être celle-ci : « Devons-nous attendre quelque chose de l’État ? » Et la réponse tend à être négative. L’État ne permet pas le changement, il est intrinsèquement immuable. Il ne fait que perpétuer l’ordre dans lequel la société antique, féodale ou, aujourd’hui, capitaliste a été organisée. Un ordre où chacun aurait sa place pour servir les intérêts d’un autre, dans une classe supérieure, jusqu’au sommet de la pyramide. Un ordre qui serait dominé par quelques-uns au nom de tous. Un ordre qui, malgré son nom, apporte la plupart du temps le chaos, la guerre ou la famine plutôt que la paix, la liberté, l’équité ou la solidarité.

 

Henry David Thoreau disait que « la seule obligation que j’ai le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste. » Il donnait ainsi la primauté de la conscience morale sur la loi de l’État et prônait la désobéissance civile. En fait, nous ne devons rien attendre de l’État qui nous maintient dans un état de servitude volontaire qu’avait très bien analysé Étienne de la Boétie, anarchiste avant l’heure : « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. » En n’attendant rien de la part de l’État, nous nous libérons de ses chaînes et cela nous permet d’envisager de nouvelles manières de vivre ensemble tout en se sentant en sécurité et en harmonie au sein de la société. Lors de nombreuses périodes de l’Histoire, tant en France qu’à l’étranger, des expériences autogestionnaires ont prouvé qu’il était possible de vivre sans État. C’est d’ailleurs durant la révolution sociale espagnole de 1936 que l’expérience a été la plus aboutie. Elle a tellement fonctionné qu’elle a fait frémir les « garants de l’ordre », défenseurs de l’État, qui ont alors cherché à faire disparaître toute trace de sa réussite. Heureusement, ils n’ont pas réussi à faire taire les protagonistes de cette histoire qui nous ont délivré leurs témoignages, les larmes (de joie) dans les yeux à l’évocation de ces souvenirs merveilleux (cf. le film « Vivre l’utopie »).

 

On a pu aussi constater dans l’histoire récente que nous n’avions pas toujours besoin de l’État pour nous organiser, même face à de terribles fléaux comme des virus mortels. En effet, lorsque le coronavirus est arrivé en France, les rouages de l’État se sont retrouvés grippés. Durant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, les décisions peinaient à arriver, quand elle n’étaient pas carrément mauvaises. Or, dans certains endroits du pays, des initiatives collectives ont permis de mettre en place un système de solidarité autogéré en distribuant de la nourriture et des médicaments. Une coopérative ouvrière autogérée, la SCOP-TI, a même mis en place une stratégie pour lutter contre le Covid-19 bien avant que le gouvernement ne prenne de décisions. Réduction du temps de travail, horaires décalés, mise en place précoce de mesures sanitaires. Ce sont quelques-unes des dispositions qui ont été prises pour poursuivre la production de thés et d’infusions à l’usine de Gémenos durant cette période et personne n’a attendu le feu vert de l’État pour s’organiser. C’est du concret et ça démontre que c’est donc possible !

 

John Fitzgerald Kennedy disait lors de son discours d’investiture : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Il avait entièrement tort mais c’est assez logique puisqu’il défendait un modèle capitaliste épris de compétition entre pays, entre États, entre nations qui se recroquevillent derrière leurs frontières. Ce qu’il faut se demander ce n’est ni ce que le pays peut faire pour nous, ni ce que nous pouvons faire pour le pays mais plutôt ce que nous pouvons faire toutes et tous, ensemble, pour former une société autogestionnaire, solidaire, sans frontières et respectueuse de chacune et chacun.

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