blog - Vannes & alentours
VERS UNE BANALISATION.....
« DES HOMMES EN VRAI »
Tout mouvement d'émancipation contre l'exploitation et la domination doit non seulement critiquer l'évidence de l'ordre existant mais aussi contrer les éléments réactionnaires qui font obstacle à la révolte.
Le féminisme n'échappe pas à la règle ; en plus de combattre les rapports inégalitaires entre les hommes et les femmes, il doit aussi contrer des courants politiques « masculinistes », composés d’hommes anti-féministes qui s'attachent hystériquement à leurs privilèges, type SOS papa, Réseau Hommes, etc. Dans le seul but de s'opposer aux aspirations féministes pour la justice et l'égalité, ces courants reproduisent ou développent des logiques teintées de haine et de mépris à l'égard des femmes. Le documentaire Des hommes en vrai, diffusé dans le cadre des manifestations proposées par la ville de Rennes autour du 8 mars, laisse une visibilité importante à des discours qui rappellent curieusement les procédés utilisés par les « masculinistes », à l’instar de ce premier homme interviewé qui déclare sans vergogne : « J’en veux vraiment à la féminité […] j’en veux vraiment à ces femmes, là, qui sont vraiment… elles sont ignobles, ignobles ».
Les stratégies déployées par ces mouvements anti-féministes se retrouvent à de nombreuses reprises dans les propos des hommes filmés dans le documentaire, dont nous reproduisons ici des passages (en gras) :
*Les solidarités entre femmes contre l'oppression masculine sont dénoncées et caricaturées comme des « petits arrangements ». Tandis que la solidarité et la complicité masculine permettrait de résister aux femmes malfaisantes : « Un par un, ils m’ont pris à part et ils m’ont dit : “On t’a vu avec cette femme ; on en a beaucoup entendu parler, maintenant on l’a vue […] t’es en train de te ruiner la tête, on ne te reconnaît pas quand t’es avec elle. Quand tu rentres à Paris […] lâche-la, qu’on n’en parle plus et que tu redeviennes toi-même’’. »
*Une stratégie anti-féministe bien connue consiste à rendre les femmes responsables de la violence masculine qu’elles subissent. Par exemple, alors qu'il vient de mimer le début d'étranglement fait contre sa compagne, et bien qu’il nous dise regretter ce geste, un homme s'explique: « Il y avait quelque chose en elle qui me disait: “alors tu es un mec, allez, vas-y montre le !’’ » Ailleurs, la violence physique exercée contre les femmes est banalisée : « parfois infidèle, quelque fois agressif, blablabla ».
*Le contrôle de la maternité est vue comme la « nouvelle puissance des femmes », qui se servent de leur pouvoir pour faire des enfants dans le dos des hommes et les priver de leur droit à la paternité ! La contraception est une affaire de femmes et la responsabilité des hommes est complètement éludée, comme semble le penser cet homme « victime » d’une de ses conquêtes lui ayant « caché » quelques temps sa paternité : « Elle m’avait dit furtivement qu’elle prenait pas la pilule, mais je l’ai pas relevé. » Ben voyons…
*Les mères sont stigmatisées comme des : « lionnes », « petit caporal », ou « grande figure qui manipule ». Et comme le clame sans relâche SOS papa, les femmes ont la mainmise sur les enfants, privant les pères de leur présence dans les cas de litige. Ces derniers n’ont aucun moyen de se défendre puisque la justice familiale est entièrement entre les mains des femmes : « c’est une femme qui est juge, c’est une femme qui fait l’enquête sociale ordonnée par le juge, c’est une femme qui est psychologue pour faire l’enquête psychologique de la femme, de l’homme et des enfants, et c’est une femme que l’on juge. Contre un homme. »
*Et, bien que toutes les statistiques sérieuses démontrent l'étendue des privilèges masculins et l'assignation des femmes à des tâches particulières, certains osent s'épancher sur leur « difficulté d'être un homme ». D'autres inventent même des piètres douleurs et des énormités du genre : les hommes sont « sommés d'éjaculer en permanence ».
Contrairement au message implicite du documentaire, les féministes et les mères en général ont toujours souhaité un investissement effectif des hommes dans les soins aux enfants. Elles travaillent politiquement pour une répartition égalitaire des tâches. Elles n'ont jamais stigmatisé les pères en soi, elles signalent davantage leurs incompétences et leur manques, et elles pointent le fait que des femmes doivent y pallier.
Des hommes en vrai cherche à affirmer une communauté d'intérêt des hommes et croit parler au nom de tous. A travers la défense des droits des pères, et en feignant de se préoccuper du bien-être des enfants, certains des hommes du documentaire, comme les masculinistes en général, cherchent à reconduire leur contrôle sur le(ur)s femmes. Et, derrière une supposée banale « quête identitaire », ils souhaitent une réaffirmation de leur position de dominant.
Dans les années 70, un travail important a permis de dénoncer la supposée nature des femmes comme outil d'oppression et d'assignation à un rôle féminin. Et c'est pourquoi, grâce à un long travail de conscientisation, on ne parle plus à Rennes de la journée de LA femme mais de la journée DES femmes. La guerre est loin d’être gagnée et il est primordial, non seulement de repérer mais aussi de s’opposer clairement aux ennemis des féministes et des femmes que sont les antiféministes et les misogynes. Ces « loups déguisés en agneaux », pour reprendre les mots de Christine Delphy (sociologue et militante féministe) à propos des « masculinistes », sont bel et bien dangereux, et ne devraient bénéficier d’aucune publicité dans le cadre des journées DES femmes.
Le fait que la Ville de Rennes, le Comptoir du doc et les Champs Libres aient programmé un tel documentaire dans l'espace des « documentaires au féminin » et des « enjeux du féminisme au XXIème siècle » demeure pour nous, en plus d'une énigme, une erreur très grave.
..... DE L'ANTIFEMINISME ??
Des féministes et pro-féministes de Rennes.