blog - Vannes & alentours
Le holyfest est un festival chrétien de rock, pop et variantes de musiques dites actuelles... qui se déroule à Arradon, au sein de l'Université catholique de l'ouest (UCO), près de Vannes fin juin.
La première édition a eu lieu le dernier week-end de juin 2012.
D'emblée constatons qu'il se déroule la semaine qui suit le festival de metal Hellfest basé à Clisson (44) et contre lequel des ligues catholiques, de l'UMP, du MPF (de Villiers) et autres barrés de la même eau bénite, se dressent... au motif d'affront à leur religion, d'apologie du blasphème. Parmi ces gais lurons, on retrouve Riposte catholique, la très à droite AGRIF (Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'Identité Française et chrétienne) et, plus surprenant sans doute, le syndicat CFTC habituellement plus modéré... qui se font un film sur les paroles de certains groupes... lesquelles ne sont évidemment pas à prendre au premier degré (même si nous-mêmes ne raffolons pas du délire sataniste)...
Rodés à toutes les manœuvres pour arriver à leurs fins (la soumission de l'ensemble du corps social à leur croyance, à leur Morale, et ... à leur clergé), les cathos militants savent jouer sur tous les fronts : la demande d'interdiction d'un côté, l'élaboration "d'alternative" de l'autre. Ainsi, près de Vannes, de jeunes chrétiens entendent, disent-ils, "dépoussiérer l'image de l'Eglise". Aussi, ont-ils organisé ce holyfest mélangeant, comme son nom l'indique, culte et musique. Ce festival a réuni 1000 participants en 2012. Considéré par ses organisateurs comme un succès, ce nombre est pourtant à mettre en perspective avec celui attendu et déclaré dans la presse les jours précédents : 1500 festivaliers (Ouest-France du 30/6/2012) ! Il leur manque donc un tiers de spectateurs et spectatrices par rapport à l'objectif mais ce serait tout de même un succès... (Télégramme du 2/7/2012). Bizarre... Si Jésus a multiplié les pains, la tendance festivalière actuelle semble être plutôt à la division ou à la soustraction...
Mais cet échec est étonnamment une réussite financière car il n'y a pas eu de déficit malgré une fréquentation espérée surévaluée. Comment l'expliquer ? Non pas par un miracle mais par une subvention de l'évêché (rien à redire) mais aussi... du Conseil général du Morbihan (!), y compris donc de notre part, contribuables morbihannais... (OF du 1/10/2012) Encore une fois, c'est une collectivité publique qui s'assoit sur la laïcité (on ne le répétera jamais assez, la Loi dit "la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte"). Il serait intéressant de savoir si la décision a appartenu à sa seule présidence (l'UMP F. Goulard) ou, s'il y a eu un débat entre conseillers, quelle fut alors la position de "l'opposition de gauche" (1)... Mystère pour le moment. Or avec ses prières, louanges et messes, comment ne pas y voir une entreprise cultuelle, religieuse ? L'Eglise de France ne s'y trompe d'ailleurs pas car elle suit de près ce que Mgr Centène - évêque de Vannes - estime rejoindre « l'œuvre de la nouvelle évangélisation »... (payée partiellement avec nos impôts donc). (OF du 5/4/2012). Dans cet esprit, il s'agit bien, pour les organisateurs, de "séduire les non initiés" (Télég 01/10/2012).
Nos jeunes font ça bien. Il y a des stands : les très à droite Scouts de France, Scouts d'Europe, les Scouts unitaires de France, mais aussi l'aumônerie du Morbihan et bien d'autres joyeux drilles.
Et même des conférences (sont-elles suivies de débats ?) : «Chrétiens en politique, mission impossible ?» avec l'incontournable Marc Le Fur, député UMP des Côtes d'Armor, (cf. notre article), «Les dérives de la culture jeune... Mythe ou réalité ?» avec un "expert reconnu sur la nouvelle religiosité et les courants magiques" (!?) ; «L'Église doit-elle avoir honte de son passé ?»... (Télég du 29/6/2012) Il serait curieux de voir comment sont traitées guerres, croisades, tortures faites au nom de leur Dieu durant de nombreux siècles, sans compter les condamnations et enfermements...
Si on peut en rire, soyons néanmoins vigilant-e-s : le groupe de pop-louange Glorious (tête d'affiche 2012), interviewé dans OF du 29 juin 2012, déclare "Le Vatican ne nous a pas donné de mission, il nous a juste invités pour nous regarder et mesurer le phénomène. Il faut savoir que la France est très regardée par Rome. Tout le monde croit que la religion est morte mais ce n'est pas vrai, elle mute."
Cette année, la messe du festival sera diffusée en direct sur France 2, qui consacrera 1h30 d'émission au holyfest... A défaut d'une intervention divine, un p'tit coup de pouce du "service public" de télévision ne se refuse pas...
Mais ne nous inquiétons pas outre-mesure, car l'impiété se glisse partout jusque dans les collèges et lycées cathos : «Dans mon lycée (le foyer Jean-Paul-II à Sainte-Anne-d'Auray), il y a très peu de croyants, constate Sylvain Gilardeau. Rares sont ceux qui savent que Sainte-Anne est un lieu de pèlerinage." A Saint-François Xavier de Vannes, une lycéenne constate dépitée "dans ma classe de 30 élèves, nous ne sommes que deux à (...) aller" aux "messes proposées par le lycée" ! Que de brebis égarées jusque dans les réserves catholiques morbihannaises ! (Télég du 29/6/2012)
Mais on peut néanmoins se demander si nos jeunes vaticanesques sont aussi assidus qu'ils le prétendent. Ainsi, l'ancien directeur d'une école confessionnelle de Vannes s'indigne (OF du 12/07/2012) : « Les jeunes organisateurs ont répété, comme un leitmotiv, dans leurs interviews, qu'ils voulaient dépoussiérer une image de l'Église « un peu vieillotte, celle du chant grégorien ». « Je ne ferais pas l'injure à ces jeunes de penser qu'ils ne mettent jamais les pieds à l'église le dimanche. « Depuis 50 ans au moins - ils n'étaient donc pas nés - dans nos paroisses, on ne chante plus en grégorien, sauf quelques rares îlots « de résistance » (...). « Immortel grégorien qui porte naturellement à la prière, ce qui ne semble pas être le cas de la musique du concert HolyFest, car les jeunes doivent se réunir dans le silence la nuit pour prier. » Et paf, en plein dans l'auréole !
Heureusement - pour les clergés - que nombre d'élu-e-s des différentes collectivités locales jusqu'à l'appareil d'Etat compensent cette désaffection, contournent la Loi sur la laïcité, en leur attribuant des deniers publics.
"Il n'existe qu'une seule chose au monde plus désuète que l'anticléricalisme : le cléricalisme." Cavanna
(1) On se rappelle qu'en 1996, les conseillers généraux de gauche (PS et PCF) avaient aussi voté les crédits pour la route dite "du Pape", entre Pluneret et Ste Anne d'Auray, à l'occasion de la venue de Jean-Paul 2 à Ste Anne d'Auray...
A Voltaire qui déclarait : "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer",
Bakounine répondait "Et si Dieu existait, il faudrait s'en débarrasser"...
complété récemment par Jean-Marc Raynaud : "Ce n'est pas parce que Dieu n'existe pas qu'il ne faut pas s'en débarrasser" !